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lages ; — et celle des déserts qui mène la vie nomade. — Cette dernière division, la plus intéressante de beaucoup, a échappé de tous temps aux dominateurs étrangers, du moins dans l’intérieur de la péninsule ; mais cet avantage ne lui appartient pas exclusivement. Une fraction très notable de la population agricole conserve et paraît devoir conserver son indépendance. J’ai principalement en vue celle de l’Assîr, pays de montagnes, situé entre le Hidjâz, le Tihâmah et le Yaman, proprement dit. Ceux qui ont suivi les affaires d’Orient savent que cette montagne, attaquée trois ou quatre fois et envahie une fois, mais inutilement, résiste toujours et promet de résister long-temps aux efforts du vice-roi.

Peu de personnes, en dehors du Hidjâz et du Yaman, comprenaient la nécessité de s’acharner sur des montagnards, dont il n’y a rien à tirer ; mais en Arabie, mais près du théâtre de la guerre, pas un Arabe, pas un Turc, qui ne conçoive et n’affirme que dans l’occupation militaire du Hidjâz et du Yaman, la chose importante et difficile est la conquête de l’Assîr.

Pauvres, belliqueux, jaloux au plus haut degré de leur vieille indépendance, les Suisses de l’Assîr demeurèrent pendant des siècles étrangers au mouvement religieux qui poussa tant d’arabes à s’enrôler sous la bannière du prophète mecquois, et à porter sa religion et leur langue jusqu’aux extrémités de l’Occident. Ce n’est que vers la fin du siècle dernier que l’islamisme pénétra dans leurs montagnes sous la forme véritablement protestante du Wahhâbisme, — retard d’autant plus inconcevable que l’Assîr projette ses ombres sur le berceau de Mahomet. Les usages les plus contraires au génie musulman s’étaient conservés sans opposition jusqu’à ces derniers temps chez quelques-uns de ces montagnards. Burckhardt en a révélé un auquel j’hésitais à croire ; mais le témoignage de l’homme le plus grave que j’aie connu à Djeddah, et dont tous les gens de bien déplorent la perte récente, le Haddj Sâlim Bânâmeh, ne me permet pas de douter de la vérité du fait. — Dans une certaine tribu de l’Assîr, le droit du voyageur était mieux établi que ne l’a jamais été en Europe le droit du seigneur. — Du côté de Djézân la circoncision est quelque chose d’atroce. Elle se pratique sur l’adulte, et la fiancée est présente ; s’il trahit par un gémissement, par un geste, par la moindre contraction des muscles de la face, la douleur horrible qu’il ressent, la fiancée déclare aussitôt qu’elle ne veut pas d’une fille pour époux. Il s’agit pour le jeune homme d’être écorché vif ; on lui arrache tout le cuir chevelu, et le pénis est dépouillé dans toute sa longueur : — une pro-