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REVUE. — CHRONIQUE.

à la France, à la paix générale, car c’était un poste qui nous convenait ; mais Napoléon était alors à la veille de faire des traités, puisqu’il était en guerre, et c’était au moins par un traité qu’il voulait s’assurer d’Ancône. Ici, au contraire, les traités nous ordonnent de l’évacuer. En pleine paix, nous voudrions violer les traités, et faire plus que Napoléon, nous assurer par la force une place qu’il voulait se réserver par une convention qui était à faire quand il était à la tête d’une armée, au cœur de l’Italie ! M. Thiers ou M. Molé exécuteraient, du fond de leur cabinet, la pensée que Napoléon concevait dans son quartier-général de Milan, et l’Europe assisterait à cette opération et nous laisserait faire ! Qui pourrait le penser ? On dira, comme M. Mauguin et M. Larabit : « C’est la guerre ! La guerre est une nécessité à laquelle peut se résoudre de bonne grace un peuple qui a trois millions d’hommes à envoyer sous ses drapeaux, et dont les finances sont dans un état prospère ; mais c’est une guerre juste qu’il faut faire dans le siècle où nous sommes, quand on est à la tête d’une nation qui demande compte de tout, autrement on pourrait manquer de la force morale qui donne la victoire. On a même vu, du temps de l’empire, que cent victoires ne suffisent pas à qui manque de parole, et que la force matérielle n’est pas tout, même quand le chef qui commande se nomme Napoléon ! Il ne s’agit donc pas de discuter si Ancône est un bon poste, si le mont qui le domine est fortifié ou non, si le port est assez profond pour des frégates, s’il vaut mieux de dominer par un poste militaire l’Adriatique ou la Méditerranée ; il s’agit de savoir si la convention du 16 avril a été signée par la France, et en quels termes elle réglait les conditions de l’occupation. Or, c’est le seul point qui n’ait pas été discuté par l’opposition, ce nous semble. Il est vrai que tous les autres l’ont été. Mais c’est en vain que les généraux Lamy et Bugeaud, que les officiers qui ont pris part à l’expédition, sont d’accord pour déclarer que la situation d’Ancône et le peu de forces que nous y avions nous exposaient à un échec. Aujourd’hui encore, le général Gazan, qui a ramené nos troupes, disait, à qui voulait l’entendre, que, sur trois canons trouvés à Ancône, un seul n’était pas hors de service, et qu’à peine pouvait-on s’en servir sans péril pour les artilleurs aux anniversaires des journées de juillet. Le général Cubières ajoute des détails encore plus concluans. L’opposition ne s’écrie pas moins que la position d’Ancône est admirable, et qu’il fallait, à tout prix, la conserver. À ce compte, pourquoi ne pas s’emparer de Rome et du fort Saint Ange ? S’il ne s’agit que de conquêtes, il y a de meilleures places qu’Ancône ; si, au contraire, il est question d’accomplir les traités, peu importe l’excellence du port d’Ancône et sa position. Le devoir et l’honneur nous obligeaient à l’évacuer dès que les Autrichiens évacueraient la Romagne.

Il est donc bien établi que, rester à Ancône, c’était refuser d’exécuter les traités, et la non-exécution des traités qu’on a faits, c’est la guerre. Or, veut-on faire la guerre pour Ancône ? M. Thiers lui-même le veut-il ? Voici ce qu’il disait en 1831 : « Le roi Guillaume expulsé des Pays-Bas, la Prusse