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REVUE. — CHRONIQUE.

des Pays-Bas, qui était une redoutable hostilité contre elle, une vaste tête de pont, comme on a dit ; le remplacement de ce royaume par un état neutre qui la couvre, ou bien devient un allié utile, et lui permet de s’étendre jusqu’à la Meuse ; la destruction des places qui lui étaient inutiles, puisqu’elle possède déjà deux rangs de places sur cette frontière, et qui ne pouvaient être bonnes qu’à d’autres qu’à elle ; par suite, un mouvement rétrograde, pour le système anti-français, de Mons et Tournay jusqu’à Maëstricht ; enfin, la consécration d’une révolution.

« Il nous semble que de tels résultats, sans guerre, sont une des plus grandes nouveautés de la diplomatie ; que le cabinet, qui a su les obtenir, n’a manqué ni de force ni d’habileté, et que les puissances qui les ont accordés n’étaient pas conjurées contre la France, résolues à sa perte. Leur noble modération était un retour dû à la noble modération de la France. »

Nous ne nous lassons pas de citer les belles paroles de M. Thiers, parce qu’elles le placent sous son véritable jour, avec le sens parfait qu’il a toujours montré jusqu’à ces derniers temps, où quelques fausses lueurs de passion l’ont égaré momentanément dans sa route. Ces paroles éclairent aussi la situation politique actuelle, et elles pourraient répondre à chaque paragraphe du projet d’adresse, depuis le début jusqu’à ce passage qui s’applique directement à l’amendement introduit en faveur de la Pologne : « Nous ne pouvons invoquer le droit de non-intervention en faveur de la Pologne. La Russie aurait bravé, pour la Pologne, tout, même une guerre faite par Napoléon avec six cent mille hommes. C’était pour elle une question de vie ou de mort. Perdre la Pologne, c’eût été pour elle rétrograder de quatre règnes. Ce que la France a dit et pu, c’est d’offrir sa médiation, c’est-à-dire de faire des démarches, que l’Angleterre, tout aussi généreuse que d’autres, n’a pas voulu imiter, parce qu’elle n’aime pas les choses inutiles… Tout ce que nous entendons chaque jour là-dessus ne prouve, chez ceux qui le disent, ni plus de zèle, ni plus de sympathie pour les Polonais, que le gouvernement n’en éprouve. C’est tout simplement un emploi fait des malheurs des autres, pour attaquer, calomnier, déconsidérer un gouvernement qu’on déteste. »

On remarquera ici qu’il y a toujours abondance de faits et de raisonnemens dans les écrits de M. Thiers. Dans ce passage, l’honorable écrivain répond victorieusement à la coalition, qui accuse le gouvernement d’avoir laissé relâcher nos liens avec l’Angleterre, et qui fonde cette accusation sur l’abandon où nous laisserait lord Palmerston dans nos négociations relatives à la délimitation territoriale de la Belgique. L’Angleterre, se plaçant à un autre point de vue, a sans doute jugé qu’elle ferait une chose inutile en se joignant dans cette circonstance au gouvernement français. Et en cela, elle a fait seulement ce qu’elle faisait quand elle refusait de suivre, dans ses offres de médiation, le gouvernement que soutenait alors M. Thiers. L’alliance anglaise est-elle rompue pour cela ? A-t-elle été rompue, quand il s’agissait de la Pologne ? La conservation de la Pologne, comme nation, in-