Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/459

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
455
LA TERREUR EN BRETAGNE.

se compose ? De faussaires, de meurtriers[1]. Lorsque Goullin et Lamberty l’ont formée, ils ne demandaient pas à chaque nom proposé : — Y a-t-il un plus chaud patriote à Nantes ? mais : — N’y a-t-il pas quelqu’un de plus scélérat ?… De leur propre aveu, ils n’ont d’autre but que de fouiller les gros négocians. Ils ont décidé qu’ils incarcéreraient successivement tous les citoyens, et qu’ils les forceraient à se racheter. On traite tout haut, au comité, des échéances et des époques de paiement pour ces rançons. Voilà les faits[2]. Dévorée par la guerre civile et la famine, Nantes ressemble, dans ce moment, à une de ces villes italiennes du moyen-âge, où la peste brisait tous les liens, suspendait toutes les lois, et où quelques bandits régnaient sans obstacle, pillant les palais et assassinant ceux que le mal avait épargnés. L’avenir saura tout cela, et il restera bien constant que ce sont les circonstances, non les principes de la révolution, qui ont amené tant de désastres.

Je secouai la tête ; mais les préoccupations personnelles de la citoyenne Benoist étaient trop poignantes pour qu’elle pût continuer long-temps une discussion générale. Elle revint à parler des moyens de sauver son mari : je lui proposai mon entremise ; elle refusa.

— Ce serait vous compromettre sans utilité, me répondit-elle ; laissez-moi agir seule d’abord, afin que je vous trouve si j’échoue. Nous vivons dans un temps où l’on doit ménager les têtes de ses amis, ne fût-ce que par égoïsme. J’ai ici des parens qui me sont dévoués ; je n’ai pas voulu les voir de peur de les désigner à la persécution, et je n’aurai recours à eux qu’à la dernière extrémité. Mais pardon ; voici l’heure où Philippe m’attend ; nous nous reverrons ce soir.

III.

J’avais moi-même des affaires, et ce que je venais d’apprendre m’inspira le désir de les terminer le plus promptement possible. Je

    gnage de deux bons sans-culottes me suffira pour faire rouler leurs têtes. » (Discours à la réunion Vincent la Montagne.)

    « Incarcération de tous les gens riches et de tous les gens d’esprit. » (Arrêté du 15 brumaire.)

  1. Chaux, connu par plusieurs banqueroutes, a fait incarcérer une partie de ses créanciers ; Bachelier, notaire décrié ; Goullin, connu, avant 1789, par ses talons rouges, s’est couvert de tous les crimes, dont le moins criant peut-être est celui d’avoir fait mourir en prison un bienfaiteur à qui il devait des sommes considérables ; Grandmaison, assassin dans l’ancien régime, avait obtenu des lettres de grace par le crédit de quelques nobles. (Mémoires de Philippe Tronjolly.)
  2. Ibid.