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pourrions lui en indiquer une sur les familles romaines, remplie de savoir et d’érudition, et qui lui apprendrait que le surnom d’Auguste ne fut jamais héréditaire dans la maison Claudia. Mais il nous permettra sans doute de le renvoyer à Suétone qu’il a cité assez souvent ; or, il lira là, au chapitre VII de la biographie d’Auguste : « Postea C. Cæsaris, et deinde Augusti cognomen assumpsit ; alterum testamento majoris avunculi, alternum Munatii Planci sententia ; cum, quibusdam censentibus Romulum appellari oportere, quasi et ipsum conditorem Urbis, prævaluisset ut Augustus potius vocaretur, non tantum novo, sed etiam ampliore cognomine. — Octave prit ensuite le surnom de C. César, et plus tard celui d’Auguste : le premier lui fut légué par le testament de son grand oncle ; le second lui fut décerné sur la proposition de Munatius Plancus. Quelques sénateurs ayant été d’avis de le surnommer Romulus[1], pour faire entendre qu’il était lui aussi le fondateur de Rome, Munatius Plancus proposa (et son sentiment prévalut) de l’appeler plutôt Auguste, surnom qui avait l’avantage non-seulement d’être nouveau, mais d’exprimer encore quelque chose de plus imposant. » Le surnom d’Auguste n’avait donc jamais été porté par personne avant Octave ; et, s’il n’avait été porté par personne, il n’était donc pas héréditaire dans la maison Claudia. Il ne pouvait pas être davantage le surnom que signait Tibère à l’époque de son expédition d’Illyrie, car jamais Auguste de son vivant ne se dessaisit de son surnom ni ne le partagea ; il se contenta de le léguer à son successeur : c’est encore Suétone qui nous l’apprend dans la phrase qui suit immédiatement celle où il est question du choix du surnom de Tibère. L’historien y raconte qu’Auguste s’opposa à ce qu’on donnât aucun des trois surnoms, et qu’il coupa court à la délibération du sénat par cette brusquerie spirituelle et ironique : « Tibère est satisfait de celui que je dois lui laisser après moi[2]. » Il est donc bien constant que si M. Granier eût lu les deux lignes qui suivent le passage qu’il a cité, il n’aurait pas fait signer à Tibère le surnom d’Auguste, à l’époque de la guerre d’Illyrie. Mais M. Granier est pressé d’arriver, et pour cela il prend les moyens les plus expéditifs : il se borne donc strictement, en consultant un auteur, à extraire la phrase dont il a besoin, sans s’inquiéter de ce qui précède ou de ce qui suit. On n’aura aucun doute à cet égard, quand on connaîtra la phrase de Suétone qui a causé la double erreur que nous venons de relever ; la voici telle qu’elle est citée dans le livre de M. de Cassagnac : « Ac ne Augusti quidem nomen, quanquam hæreditarium, ullis, nisi ad reges ac dynastas, epistolis addidit. — Il ne se donna pas même dans ses lettres, excepté lorsqu’il écrivit aux rois et aux princes, le nom d’Auguste, quoiqu’il lui appartînt à titre d’héritage[3]. » Rapprochée, en effet, de ce que nous avons dit

  1. C’était, au rapport de Dion Cassius, le surnom qu’Auguste désirait ; mais la politique imposa silence à ses désirs, parce qu’il craignit, ajoute l’historien, qu’on ne le soupçonnât de désirer la royauté, « Αἰσθόμενος ὅτι ὑποπτεύεται ἐκ τούτου τῆς βασιλείας ἐπιθυμεῖν (iii, pag. 507. » Cf. Flor., IV, XII, 66.
  2. Tiber. i. c.
  3. Ibid., XXVI.