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REVUE LITTÉRAIRE.

parfois un mysticisme de langage amoureux qui rappelle certaines poésies du commencement du XVIIe siècle. Je ne voudrais pas qu’un amant parlant à sa maîtresse la nommât sa sainte ; on sent trop le pastiche. Je ne voudrais surtout pas qu’il s’échappât jamais à dire :

Et comme le croyant près de l’Eucharistie !…
Le volume est précédé d’une lettre en vers à M. Émile Deschamps, qui a des parties d’une causerie tout-à-fait française et du fringant le plus spirituel.


Les Néolyres, par A. M. de Mornans[1]. — L’auteur de ce recueil n’est pas non plus Français d’origine ni de naissance ; sorti des vallées vaudoises du Piémont, il appartient à cette antique tribu persécutée, qui a su garder sa primitive croyance. Engagé aujourd’hui dans les fonctions saintes du ministère, il a cru, à l’une de ses courtes heures de loisir, pouvoir reproduire, sous un pseudonyme, d’anciens vers de jeunesse, que, plus heureux que Bèze, il n’a pas eu à rougir de refeuilleter. Un sentiment évangélique et chrétien les a inspirés, en effet, non sans mélange toutefois d’un certain humanitarisme moderne, d’un certain culte optimiste et confiant de la création et de la nature, qui fait songer à Jocelyn et qui l’a précédé :

Ô Nature, immense Évangile
Que rien ne saurait altérer !

La chute, comme on voit, doit être un peu oubliée dans les hymnes de cette jeune et belle ame. À travers beaucoup d’incorrections et des formes légèrement étranges, un parfum primitif et franc respire dans l’ensemble de ces poésies. Les petites pièces qui ont pour titre la Coupe, les Batteurs de blé, le Troubadour d’Alcéonie, donnent long-temps à réfléchir par le tour naïvement symbolique et mystique de leur rêverie. Il n’y a qu’une croyance profondément spiritualiste, on le sent, qui puisse produire, au printemps, cette manière d’aubépine. Voici, par exemple, une petite pièce qui a un bouquet d’anthologie chrétienne, autant qu’en un genre tout contraire une petite épigramme de l’anthologie grecque peut sentir son Hymette et son musée :
LE PÈLERIN.

Regardant une étoile au ciel épanouie,
Un jeune homme marchait ; son léger manteau bleu
Diminuait toujours : ce manteau, c’est la vie,
Le voyageur c’est l’ame, et l’étoile c’est Dieu.

Mais les essais de vers blancs, qui terminent le volume, ne sont pas heureux ; mais on n’échappe jamais tout-à-fait, dans cette langue française adoptive, à des accens du premier terroir. La note de la page 124 contient une vraie faute. Montesquieu a dit quelque part : « Dans ma jeunesse, j’ai aimé des femmes
  1. In-8o, chez Cherbuliez, rue de Tournon, 17.