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LA PAPAUTÉ AU MOYEN-ÂGE.

d’empereur. Il travaillait ainsi pour l’Occident, pour la religion catholique, qui régnait dans l’Italie, dans la Gaule, et déjà dans la moitié de l’Allemagne. Ce n’était plus le pallium, mais la couronne impériale, qu’il offrait au fils de Pépin, et l’Occident n’était plus inférieur à Constantinople.

Aux hommes qui vivent sur des théâtres historiques, les idées politiques viennent facilement. Léon III conçut la résurrection de l’empire d’Occident par une de ces réminiscences qui font la solidarité du genre humain. L’homme à qui l’offre s’adressait pouvait y répondre, et sa main suffisait à porter le globe qu’on lui présentait. Voilà le véritable bonheur ; c’est de recevoir des évènemens toute la grandeur dont on est digne. Ainsi l’empire d’Occident revivait trois siècles après sa chute, le jour de Noël de l’an 800, à l’heure même où l’on célébrait la naissance du Christ. À cette nouvelle, les peuples de l’Europe furent joyeux, parce qu’ils se sentirent plus grands ; tous prêtèrent à Charles un autre serment, car ils avaient à reconnaître et à révérer en lui, non plus un roi franc, mais le grand et pacifique empereur des Romains, couronné par Dieu même[1].

L’incendie du pont de Mayence, et le tonnerre tombant sur la chapelle d’Aix, annoncèrent la mort de Charles et le chaos du IXe siècle. À la surface se dessine une ébauche de grandeur et d’unité ; l’empire d’Occident est ressuscité, l’évêque romain s’élève graduellement au-dessus des autres évêques. Mais la magnificence de ces formes est trop nouvelle pour n’avoir pas à essuyer des tempêtes ou de longs ajournemens de prospérité. Au fond, les élémens de l’Europe moderne sont en travail. Le christianisme déjà puissant comme lien moral et sentiment intime, la France et l’Allemagne jetant dans le traité de Verdun les fondemens de leur nationalité, l’Angleterre se préparant à entrer dans le mouvement des affaires communes par l’héroïsme et la sagesse d’Alfred, les côtes de la France et de la Germanie envahies par les Normands, les Hongrois, plus cruels que les Normands et vomis par les montagnes de l’Asie septentrionale sur l’Allemagne, sur la Provence et l’Italie, sont quelques traits de cette confusion tragique et féconde. À la fin de cette époque (888), l’empire de Charlemagne était complètement dissous. L’esprit théocratique de Rome était alors ce qu’il y avait de plus vivant ; et quoi-

  1. Carolo Augusti à Deo coronato, magno et pacifico imperatori Romanorum, vita et victoria. (Eginhardi Annales, anno 801. — Recueil des historiens des Gaules et de la France, tom. V, pag. 215.)