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LA PAPAUTÉ AU MOYEN-ÂGE.

casion de réveil. Ce n’est pas un prêtre, mais un consul, Crescentius, fils de Théodora et du pape Jean X, qui tenta d’arracher Rome à la domination d’Othon II et d’Othon III. Ce consul, insupportable aux papes, imagina de recourir à l’autorité de l’empereur de Constantinople, invocation imprudente et désastreuse qui le conduisit à une fin tragique. Après une capitulation, Othon III lui fit trancher la tête. La France, non moins que l’Allemagne, se préparait à causer des déplaisirs à l’ambition papale, mais d’une autre façon, non par la tyrannie, mais par l’indépendance. Dans ses mouvemens pour rassembler ses principes et dessiner la forme de sa nationalité, elle rejetait loin d’elle le dernier reste du sang carlovingien, et elle préférait un seigneur français à Charles de Lorraine. Le chef de la troisième race voulait recevoir sa consécration, non plus de l’évêque de Rome, mais de l’archevêque de Reims ; il ambitionnait une usurpation toute française. Nous connaissons parfaitement tout le détail de nos affaires à la fin du Xe siècle par les lettres d’un moine d’Aquitaine, appelé Gerbert, d’abord secrétaire d’Adalbéron, l’archevêque de Reims qui sacra Hugues Capet, puis précepteur du jeune Robert, fils du nouveau roi, pape enfin sous le nom de Sylvestre II. Cet homme extraordinaire savait les sciences exactes et les sciences naturelles soit qu’il les eût cultivées au fond de son couvent, soit qu’il eût été les chercher à Cordoue ; il entendait l’arabe. Il embrassa d’abord la cause des Carlovingiens, puis il la quitta ; il fut à la fois le partisan des Othon et de Hugues Capet. Il nous a transmis les paroles de l’évêque d’Orléans qui s’éleva contre Rome, et la dépeignit en plein concile comme abandonnée de tout secours divin et humain, comme ayant perdu l’église d’Alexandrie, celle d’Antioche, l’Afrique, l’Asie, Constantinople, et devant bientôt perdre l’Europe. Le 2 avril 999, Gerbert fut choisi pour pape, par Othon III ; c’était le premier Français mis à la tête des prêtres italiens. Il régna quatre ans et quelques mois. À un esprit étendu il joignait une sensibilité vive ; c’est lui qui jeta le premier cri des croisades, et qui, indigné des persécutions que le calife Hakern infligeait aux pèlerins de Jérusalem, écrivait à toutes les églises ces lignes éloquentes, où il fait paraître Jérusalem elle-même s’écriant : « Lève-toi, soldat du Christ ; prends son drapeau ; combats pour lui ; ce que tu ne peux par les armes, fais-le par la prudence et les richesses ; vois ce que tu donnes et celui à qui tu donnes[1]. » Cette généreuse apostrophe, adressée à

  1. « Enitere ergò, miles Christi, esto signifer et compugnator, et quod armis nequis,