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l’Europe chrétienne, n’a pas sauvé Gerbert des injures de Baronius, qui le traita, au XVIe siècle, d’impudent, de furieux et de superbe. Quand il mourut, on dit à Rome que le diable était venu lui redemander son ame. Le peuple l’appelait magicien ; un moine l’appela philosophe : c’est le docteur Faust de la papauté.

La première année du XIe siècle, les hommes respirèrent plus librement ; ils étaient affranchis de la crainte de voir le monde finir, car on avait pris à la lettre le vingtième chapitre de l’Apocalypse[1], et le genre humain, qui comptait mille ans depuis la naissance de Jésus-Christ, avait eu peur de mourir. On se remit donc à vivre avec joie, avec énergie, et un grand siècle commença. Ses résultats se firent quelque temps attendre et ne parurent que dans sa dernière moitié. Cependant la première partie nous montre déjà le christianisme continuant ses progrès, et faisant tomber devant lui les idoles dans la Suède et dans la Norvége, les expéditions et les conquêtes des Normands en Italie, le califat de Cordoue expiant ses prospérités par l’extinction de la dynastie des Ommiades, et par un démembrement qui, multipliant les principautés mahométanes, affaiblit l’islamisme contre les chrétiens espagnols ; enfin, les Arabes, qui bientôt disparaîtront en Espagne devant les Maures, vaincus en Syrie par les Turcs Seljoucides, dont l’empire glorieusement éphémère ne tarde pas à se partager en trois branches principales. Mais quelque chose de supérieur encore à ces grands évènemens devait agiter les affaires du monde. Les rapports de l’église et de l’empire, de l’Allemagne et de l’Italie, la situation même de la religion catholique, telle était la difficulté capitale qu’il fallait vider.

Henri, duc de Bavière, arrière-cousin germain d’Othon III, avait été élu roi des Allemands, à Mayence, par la nation bavaroise et par les princes des provinces rhénanes. Benoît VIII lui mit sur la tête la couronne impériale, et obtint la promesse de sa protection toute puissante. Il passa lui-même en Allemagne, et célébra à Bamberg, avec l’empereur Henri, le jeudi saint et la fête de Pâques de l’an 1020. Fleury conjecture que ce fut dans cette circonstance qu’Henri

    consilii et opum auxilio subveni. Quid est quod das, aut cui das ? » (Gerbert. Epistolæ, ep. 107.Recueil des historiens des Gaules et de France, tom. X, pag. 426)

  1. 1. Je vis encore descendre du ciel un ange qui avait la clé de l’abîme et une grande chaîne à la main. — 2. Il prit le dragon, l’ancien serpent, qui est le diable et Satan, et il l’enchaîna pour mille ans. — 3. Et l’ayant jeté dans l’abîme, il le ferma et le scella sur lui, afin qu’il ne séduisît plus la nature, jusqu’à ce que mille ans soient accomplis ; après quoi il doit être délié pour un peu de temps. (chap. XX, Apocalypse de saint Jean. — Bible de Vence, tom. 24, pag. 359.)