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LA PAPAUTÉ AU MOYEN-ÂGE.

confirma toutes les donations de ses prédécesseurs, confirmation qui tournait en nouveau témoignage de la souveraineté impériale. Le pape et l’empereur moururent la même année (1024). Le successeur de Benoît VIII fut Jean, son frère, qui ne fut élu qu’à force d’argent. Après lui, le pape fut un enfant de douze ans, qui, sous le nom de Benoît IX, devint bientôt le scandale des Romains par ses licencieuses et meurtrières folies. On le chassa, puis on élut, en sa place, Jean, évêque de Sabine, sous le nom de Silvestre III. Benoît contraignit Silvestre de retourner dans son évêché ; mais, après avoir obtenu de rentrer dans Rome, il se rendit encore plus odieux au peuple, tellement qu’il s’effraya de lui-même, et vendit le pontificat pour une somme considérable à un archiprêtre nommé Jean Gratien, qui prit le nom de Grégoire VI. Quand le roi des Allemands, Henri III, fils et successeur de Conrad, vint à Rome, il y trouva trois papes ; pour les mettre d’accord, il les déposa tous les trois, et en fit élire un quatrième, un Allemand, Suidger, évêque de Bamberg, qui s’appela Clément II, et couronna Henri empereur le jour de Noël 1046. Son règne, qui dura dix ans, fut l’apogée de la suprématie impériale. Henri donna trois autres papes aux Romains, en vertu de la célèbre promesse faite à Othon Ier et renouvelée entre ses mains à l’ordination de Clément II, de ne reconnaître aucun pontife sans l’approbation de l’empereur. Ces trois autres papes, Damase II, Léon IX et Victor II, étaient encore des Allemands : l’empereur ne voulait poser la thiare que sur la tête d’un de ses sujets. Hors de l’Italie, le clergé n’était pas plus indépendant, la hiérarchie féodale l’avait enveloppé de toutes parts durant le cours du Xe siècle, sans qu’il s’en aperçût, et les évêques étaient les vassaux non-seulement des rois, mais encore des comtes et des ducs, qui trafiquaient des dignités ecclésiastiques et quelquefois même en disposaient par testament. À la moitié du XIe siècle, l’église manquait donc sur tous les points de l’Europe de pouvoir et de liberté.

Quand, au VIIIe siècle, les Carlovingiens prêtèrent de la force à Rome, elle était reconnue par les autres églises comme souveraine maîtresse dans la doctrine et dans les matières de la foi ; elle n’avait donc plus qu’à réunir à cette supériorité intellectuelle l’autorité politique. Tant que régnèrent les descendans de Charlemagne, la papauté put espérer qu’elle s’élèverait graduellement au niveau de l’empire : elle semblait consentir à y mettre du temps, pourvu que la certitude d’atteindre le but ne l’abandonnât pas. Cette longue attente était cruellement déçue ; mais enfin le moment arrivait où ces mé-