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LA PAPAUTÉ AU MOYEN-ÂGE.

de mauvaise vie, de sacrifier à Vénus et non pas à Jésus-Christ. Ils demandaient au pape d’aviser à ce qu’un nouveau roi fût choisi dans une assemblée générale des princes.

Grégoire VII était donc solennellement saisi d’un grand procès entre l’empereur et ses sujets. Il voulut mettre dans sa justice une solennelle fermeté. Déjà, avant les plaintes des Saxons, il avait écrit à Henri pour se plaindre du choix de quelques évêques. Il lui adressa une autre lettre, dans laquelle de nouvelles remontrances se joignaient aux anciens griefs ; il finissait par le menacer de l’excommunication, et le sommer de comparaître à Rome pour se disculper devant un synode des crimes dont on l’accusait. La colère de Henri ne connut plus de bornes ; il chassa les légats, et convoqua dans le plus court délai un concile à Worms. Les évêques et les abbés s’y rendirent en foule. Le cardinal Hugues-le-Blanc, devenu l’irréconciliable ennemi de Grégoire VII, apporta à cette assemblée un long écrit, diatribe virulente contre le pape, acte d’accusation extravagant et calomnieux. On l’y accusait de se livrer à la magie et d’adorer le diable, de donner de fausses interprétations aux Écritures, d’avoir conspiré contre la vie du roi, d’avoir osé jeter dans le feu le corps sacré du Seigneur, de s’être attribué le don de prophétie. Après la lecture de ce libelle et une délibération qui dura deux jours, le concile dressa un acte de déposition du souverain pontife, que signèrent tous les évêques présens, et qu’Henri se hâta de notifier au sénat et au peuple de Rome, en l’accompagnant d’une lettre injurieuse adressée au moine Hildebrand. « Je te renonce pour pape, lui écrivait le roi, et je te commande, en qualité de patrice de Rome, d’en quitter le siége. » Ce fut un clerc de Parme, nommé Roland, qui se chargea de porter à Rome cette injurieuse missive et le décret du concile ; il eut le courage de les produire devant l’assemblée des évêques réunis dans l’église de Latran, et présidés par le pape. Grégoire VII tranquillement prit ces pièces, les lut lui-même, et leva la séance. Le lendemain, en présence de cent dix évêques, il prononça la sentence d’excommunication, déliant tous les chrétiens des sermens qu’ils avaient prêtés à Henri d’Allemagne, et il ne négligea pas, après la clôture du concile, d’adresser une longue lettre aux évêques, ducs, comtes et barons de l’empire, dans laquelle il s’attachait à démontrer la justice de sa conduite. C’était un appel à l’opinion de l’Europe.

Les effets de l’excommunication ne se firent pas attendre. Ce fut à Utrecht que l’ambassadeur du roi, venant de Rome, lui apporta la terrible sentence. Henri affecta d’abord une grande indifférence, et