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DE LA LITTÉRATURE ANGLAISE.

tosh, Coleridge, Lamb, Crabbe, ont disparu, laissant derrière eux l’historien-poète Southey ; le chantre de l’Irlande et de l’Orient, Moore ; l’auteur de Gertrude de Wyoming, Campbell, versificateur achevé. Pendant que ces étoiles s’effaçaient du ciel, les derniers mouvemens de la lutte entre l’Angleterre et Napoléon, lutte contemporaine de sir Walter Scott et de lord Byron, mouraient aussi par degrés. L’Europe s’ouvrait pour la Grande-Bretagne, et la Grande-Bretagne pour l’Europe. La paix nouvelle relâchait le lien vigoureux qui venait d’unir pour le combat la démocratie et l’aristocratie d’Angleterre. On s’était serré pour se défendre. Le triomphe assuré, tout se détendit ; les anciennes passions reparurent. La vieille aristocratie, renouvelée par le contrat de 1688, croyait triompher, en 1815, de Napoléon, de la démocratie et de l’Europe ; elle ne tarda pas à comprendre l’illusion de son triomphe. Les idées de réforme n’étaient pas mortes à Waterloo : elles se replièrent sur la Grande-Bretagne victorieuse et paisible, et lui livrèrent un nouveau combat, plus dangereux que le premier. Tout le monde se dirigea vers un mouvement politique. On se souvint que Burke avait demandé l’émancipation des catholiques, Chatham la réforme du parlement, et l’on renoua la chaîne des améliorations progressives introduites dans la civilisation anglaise par l’esprit de discussion et de liberté. À côté des pouvoirs, élémens de la vieille société, un autre pouvoir avait surgi, né du commerce des sciences exactes, de l’expérience et de la richesse publique. Faute d’autre nom, il s’appelait industrie ; ce n’était que l’emploi savant des forces de la nature. Servi par le progrès du temps, la patience et la cupidité, bien plus que par le génie des hommes, il donna naissance à des prodiges. On appliqua les découvertes des aïeux aux besoins des descendans, et le siècle nouveau exploita l’esprit inventif de ceux qui l’avaient précédé : ainsi la vapeur lança les navires à travers la mer ; tous les procédés se simplifièrent ; le bras d’airain des machines remplaça la main coûteuse et rare de l’homme. Les locomotives remplacèrent les poèmes épiques, et il n’y eut pas de roman qui parût plus ingénieux que les cylindres du Mul-Jenny. Toutes les imaginations furent entraînées vers ces miracles de la force brute changée en esclave par l’intelligence persévérante. Cependant le mouvement politique continuait : on abattait le boulevart et la batterie du protestantisme anglais, en rendant la liberté au catholicisme d’Irlande ; la philosophie de Bentham frappait le géant féodal des lois britanniques. Les tories et les whigs se déplaçaient dans le parlement, c’est-à-dire que les soutiens de la prérogative absolue s’effaçaient ; on en-