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DE LA LITTÉRATURE ANGLAISE.

phores et d’invectives qui le rendent si redoutable et qui rapprochent son talent de la verve ardente de Fox.

Un pouvoir littéraire et intellectuel que les nouveaux penchans de la Grande-Bretagne n’ont pas encore ébranlé ; une tribune où se succèdent mille capacités de différens ordres ; un théâtre muet, qui absorbe à lui seul plus de bénéfices que tous les théâtres ; une école permanente de toutes les doctrines, de tous les dogmes, de toutes les espérances, de tous les savoirs ; une bibliothèque sans cesse renouvelée, qui a envahi l’histoire, la poésie, et absorbé le roman même, ce grand usurpateur ; une force sociale nouvelle qui s’élève en face des communes et des pairs ; — c’est la presse périodique de la Grande-Bretagne, dernier résumé de ses opinions et de ses progrès. Depuis le commencement du XIXe siècle c’est, on ne l’ignore pas, une puissance redoutable, dont le développement excessif a nui aux grandes œuvres. Toute force d’idée, toute verve de style, toute habileté de discussion, au lieu de se confier à la lente et difficile propagation des livres, se réfugièrent dans les Revues, leur demandant une publicité rapide, une influence électrique et immense. Southey, Scott, Bentham, Brougham, Campbell, Hazlitt, Coleridge, Mackintosh, Gifford, Lamb, Jeffrey, furent collaborateurs des principales Revues. Les étrangers même y participèrent : Ugo Foscolo, Telesforo de Trueba, leur ont donné d’excellens fragmens historiques et littéraires. Quelques-uns des romans modernes les plus remarqués, Tom Cringle, le Journal d’un Médecin, les scènes de la Prison d’Old-Bayley, ont paru par fragmens dans les Revues. Pickwick et son successeur, Olivier Twist, ont suivi cette route. Toujours le même morcellement des facultés et des forces. Ainsi l’on est arrivé jusqu’à cette « littérature à un sou (penny litterature), » composée de recoupes et de débris, mêlée de gravures sur bois, et dont nous ne pouvons avouer l’action favorable ni préconiser les résultats. Cependant les citadelles du torysme et du parti whig, le Quarterly Review et l’Edinburgh, conservaient dans leur sein les défenseurs les plus braves et les plus habiles des deux doctrines ; ici Crofton Croker, esprit piquant, analyste ironique, d’une érudition variée, le vieux Southey, Lockhart, intelligence nette, droite et fine, impitoyable dans la satire ; là Macaulay, excellent écrivain, qui semble né pour écrire l’histoire philosophique, et l’un des plus beaux talens parmi les whigs. Sous la bannière conservatrice marchent le Blackwood’s Magazine, dirigé par Wilson, et où respire la fleur sauvage, souvent brillante et colorée dans son âpreté même, du vieil esprit écossais ; le Fraser’s Magazine,