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REVUE. — CHRONIQUE.

volutions tournaient en faveur de ce parti, faisaient des promesses, manifestaient de meilleures intentions, suppliaient de prendre patience. On paierait, on ferait justice, on protégerait les Français et leurs établissemens, on éclairerait le peuple, ou l’on résisterait à ses préventions ; enfin on mettrait les relations des deux pays sur le pied d’équité et de bonne harmonie qui doit exister entre nations civilisées. La France attendait donc, espérant, pour ainsi dire, contrà spem, et en dépit de l’expérience acquise, qu’on serait dispensé de recourir à la force, que le Mexique reconnaîtrait sa faiblesse et notre générosité, et ne prendrait pas nos ménagemens pour de l’impuissance. Mais on s’abusait. Le gouvernement mexicain, il est maintenant permis de le dire, ne cherchait qu’à gagner du temps et à tromper la France. Il n’a jamais eu l’intention sérieuse de payer ce qu’il devait ni de satisfaire à nos justes demandes. Les hommes d’état qui dirigeaient les affaires du Mexique croyaient, selon le degré de leurs lumières, les uns que la France ne pouvait pas entreprendre une expédition contre leur pays, et qu’à tout hasard leur pays était capable d’y résister ; les autres, moins ignorans et moins présomptueux, que la guerre éclaterait bientôt en Europe, que le gouvernement n’était pas assez fermement établi pour tenter une aussi grande entreprise, et qu’assez fort pour l’exécuter et réduire le Mexique, s’il le voulait, il n’attacherait pas assez d’importance à cet intérêt éloigné pour jamais se résoudre à en finir par une guerre maritime. Ici, c’était le Mexique qui s’abusait à son tour. La France était bien plus maîtresse de ses mouvemens que ne le supposaient les fortes têtes de Mexico ; elle était assez puissante pour mener à fin l’entreprise, malgré les formidables remparts de Saint-Jean d’Ulloa, la valeur mexicaine, le héros libérateur, et même la fièvre jaune : en outre, elle attachait une juste importance à faire respecter ses droits acquis, son pavillon, son commerce et ses nationaux au Mexique ; elle avait souci du grand avenir qui lui était réservé dans ces contrées, si elle savait au besoin se montrer forte après avoir été inutilement généreuse et modérée, et elle était sensible à l’honneur de venger l’Europe entière sur un peuple à demi policé, sur une nation émancipée trop tôt, qu’il aurait fallu prendre en tutelle, au lieu de lui laisser traiter d’égal à égal avec les sociétés civilisées du vieux monde. Aussi, à la fin de 1837, l’expédition du Mexique fut-elle résolue par ce ministère auquel on reproche d’ajourner toutes les difficultés, et qui, trouvant cette affaire ajournée par ses prédécesseurs, ne voulut pas, lui, la rejeter sur ceux qui lui succéderaient.

Voilà pour le fond de la question, pour le principe de l’entreprise. On conviendra que le droit et le devoir du gouvernement étaient de protéger ses nationaux, de rendre la sécurité à leur commerce, d’exiger le paiement des indemnités depuis si long-temps promises et toujours attendues en vain. S’il ne l’avait pas fait, s’il avait hésité, la tribune, qui déjà plusieurs fois avait retenti de ces griefs, l’aurait violemment accusé de faiblesse ou d’une coupable indifférence, et de plus longues hésitations auraient encouragé les autres états de l’Amérique du Sud à méconnaître, envers la France et les sujets