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dustrieuses de l’antiquité, les Égyptiens, les Phéniciens, les Carthaginois, ne nous seront jamais connues que par de savantes conjectures. Les traditions hébraïques reflètent pour nous un merveilleux dont ne s’accommode pas la science des intérêts positifs. Quant aux grandes monarchies de l’ancienne Asie, nous sommes dans la position où l’on se trouva, lors de la renaissance des études, à l’égard de la Grèce et de Rome, c’est-à-dire qu’un petit nombre d’initiés déchiffrent des textes et amassent au hasard des documens. Ces travaux feront-ils comprendre la loi du travail, la production et la répartition des richesses dans les temps les plus reculés, chez les Perses, les Indiens, les Chinois ? c’est ce qu’on ne peut pas même prévoir aujourd’hui. Au surplus, M. Blanqui a gardé sur tous ces peuples un silence absolu. Pour lui, toute l’antiquité réside à Athènes et à Rome. Un érudit français du XVIIe siècle, Samuel Petit, a compilé, classé et éclairci par un savant commentaire des textes épars des lois de l’Attique. De nos jours, le professeur allemand Bœckh a publié un livre fort estimé sur l’économie politique des Athéniens. C’est ce dernier surtout que M. Blanqui a mis à contribution pour ce qui regarde la Grèce. Il a eu le tort seulement de présenter, comme des faits absolus et constans, des résultats particuliers et essentiellement variables. Le déplacement journalier des intérêts, qui s’opère sans cesse au sein des nations, est, de même que la circulation du sang pour les corps organisés, une condition d’existence. Or, si la loi de l’équilibre se modifie sans cesse, les traits généraux qui caractérisent une époque deviennent mensongers pour les époques qui précèdent et pour celles qui suivent. Évidemment, l’économie politique résultant des lois de Solon, ne régissait plus les Athéniens après la guerre du Péloponèse. Ce manque de précision est beaucoup plus choquant encore dans les chapitres consacrés au monde romain. On y sent à chaque page l’ignorance des sources primitives et des travaux modernes qui les ont fécondées. Et pourtant, quelle histoire plus riche, plus attrayante pour l’économiste, que celle de ce peuple rapace et tracassier chez qui la richesse assurait la prépondérance politique, et dont presque toutes les crises intestines, au moins sous la république, pourraient se ramener à des débats financiers ?

La manière dont M. Blanqui pose les problèmes témoigne du peu d’efforts qu’il a faits pour les résoudre. « Dans quel budget, dit-il, puisait-on les ressources nécessaires pour nourrir et pour vêtir ce monde si différent du nôtre ? Y avait-il des pauvres ? Travaillait-on par entreprises, en atelier, ou, comme pendant la république, autour du foyer domestique ? Quel était le sort du cultivateur et de l’ouvrier ? Comment faisait-on le commerce ? L’économie politique attend la solution de ces graves questions, dont les écrivains romains ne semblent pas avoir soupçonné l’importance. » Les difficultés en cette matière sont très réelles ; mais, au lieu de les éluder par un détour, le devoir de l’historien n’était-il pas de les attaquer franchement, de se fortifier de tous les travaux antérieurs, de recueillir jusqu’aux moindres indices et de leur faire prendre une signification en les coordonnant ? Par exemple, la connaissance qu’on a du système financier des Romains aurait dû mettre sur