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ÉCONOMIE POLITIQUE.

tailles sur le tiers-état. Sous Charles VII, la création d’une armée régulière et permanente légitime du moins un accroissement de charges. Dès-lors l’impôt obéit à sa nature ; il grandit sans relâche. Au commencement du XVIe siècle, le revenu du roi s’élève à 4,000,000 de livres, qui représentent intrinsèquement 20,000,000 fr. de notre monnaie, et une somme quatre fois plus forte, si l’on a égard aux différences survenues depuis ce temps dans le prix vénal des marchandises. Pour une population de dix millions d’ames environ, la moyenne de l’impôt royal est de 8 francs par tête. Mais il fallait acquitter, en outre, les dîmes ecclésiastiques, les corvées et les droits seigneuriaux, qui étaient encore très multipliés ; de sorte qu’en additionnant toutes les valeurs fournies en argent, en denrées et en œuvres, en répartissant sur les têtes populaires le total des exemptions qui profitaient aux nobles et au clergé, on trouverait un chiffre très élevé pour la part de chaque contribuable, relativement surtout aux ressources du temps.

Ce qui prouve que la charge était lourde, c’est qu’au lieu de l’augmenter dans une nécessité impérieuse, on eut recours à des emprunts déguisés dont on ne pouvait pas méconnaître les inconvéniens. Louis XII imagina de vendre les charges publiques. François Ier battit constamment monnaie avec cette invention. L’acquisition des offices devait amener tôt ou tard leur transmission héréditaire. La survivance, concédée exceptionnellement dans le cours du XVIe siècle, passa en règle en vertu d’un édit de 1604. Ces mesures, conseillées par le besoin, avaient toute la portée d’une révolution. Les magistratures administratives et judiciaires échappaient ainsi à la dépendance du pouvoir royal, qui, à force d’empiétemens, était arrivé au despotisme. Ces nouveaux fonctionnaires, que l’intelligence et le travail avaient presque tous fait sortir des rangs du peuple, formaient une sorte de représentation nationale, à laquelle la propriété communiquait son caractère inviolable. Mais les résultats financiers étaient moins heureux. L’acquisition d’une charge constituait une rente perpétuelle que l’état devait solder, soit en gros traitemens, soit en priviléges abusifs. Cette ressource était surtout dangereuse par sa facilité même ; il suffisait de faire un appel à la vanité, en créant des emplois nouveaux, inutiles ou ridicules, pour attirer un capital dans le trésor. Le présent dévorait l’avenir. Ainsi, à l’avénement de Colbert, le nombre des titulaires, malgré les efforts qu’on avait déjà faits pour le réduire, s’élevait à 45,780, et le capital de leurs charges, évalué alors à 419,630,000 liv., représenterait 800,000,000 de francs de notre monnaie. En résumé, l’histoire des finances sous l’ancienne monarchie n’est que celle des expédiens imaginés au jour le jour pour faire face aux besoins. Le revenu régulier, appauvri par une foule d’exemptions et de priviléges, mal assis, perçu à grands frais, demeure constamment insuffisant. En ces siècles où la science du crédit public n’était pas même soupçonnée, où la doctrine de l’église sur le prêt à intérêt faisait obstacle aux emprunts avoués, les ressources extraordinaires auxquelles il fallait recourir ne pouvaient être que ruineuses. Outre la vénalité des emplois et la falsification des monnaies, c’était la vente de certaines im-