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la marine et des finances, richesses si grandes, qu’il faut renoncer à les évaluer, même approximativement. Le second volume, dont la publication est prochaine, doit traiter de l’assiette, de la répartition et du recouvrement des contributions publiques, et compléter ainsi la section consacrée aux ressources ordinaires de l’état. Il restera à parler des ressources extraordinaires ou des emprunts, et de la distribution annuelle des revenus, c’est-à-dire de la dette publique, des services de chaque ministère, des frais de régie et des règles de la comptabilité. Cet immense travail deviendra donc une encyclopédie financière. Le peu que nous en avons dit en doit faire comprendre l’utilité : le nom de M. Macarel en garantit le mérite.

Le piquant du titre nous a fait rechercher une Histoire de la marche des idées sur l’emploi de l’argent, depuis Aristote jusqu’à nos jours[1], ouvrage anonyme attribué à M. Nolhac de Lyon. Notre espérance a été déçue. Au lieu d’un exposé des principes économiques qui ont régi les sociétés successives, nous n’avons trouvé qu’une discussion sur un cas de conscience controversé depuis des siècles dans le monde catholique, la légitimité du prêt à intérêt. Il n’est cependant pas sans importance pour l’économiste de savoir où en est aujourd’hui ce débat. Les doctrines émanées de l’église conservent une vitalité que n’ont pas les systèmes produits par les savans : ceux-ci restent flottans dans le vaporeux domaine des théories, et n’en sortent guère qu’à la suite des ébranlemens causés par les révolutions. Les premières se traduisent toujours en faits, et modifient immédiatement la pratique des personnes religieuses, lesquelles, sans qu’on s’en doute, sont encore en majorité dans toutes les populations. Les opinions de la théologie sur le placement de l’argent ont mis obstacle à l’établissement du crédit public sous l’ancien régime ; aujourd’hui qu’elles ont perdu beaucoup de leur souveraineté, elles ont encore assez de puissance pour empêcher une foule de transactions utiles, et pour neutraliser des valeurs dont l’emploi légitime profiterait à tous. Si le gouvernement pouvait obtenir de la cour de Rome une décision qui levât les scrupules du clergé, on verrait des sommes enfouies depuis long-temps reparaître, et une circulation bienfaisante s’établirait, particulièrement dans les campagnes où l’animation des grandes villes se communique si difficilement. L’heure d’une telle démarche paraît être venue ; le grand nombre de livres et de brochures que le clergé produit à ce sujet en atteste la nécessité, et on peut compter sur l’appui des hommes les plus éclairés, parmi ceux qui sont attachés au joug religieux. M. Nolhac est de ce nombre. Il s’efforce de prouver que la doctrine qui défend d’utiliser un capital en le plaçant à terme procède d’une interprétation scolastique, et ne touche aucunement le dogme. L’erreur provient, dit-il, de l’emploi qu’on faisait anciennement du même mot pour désigner le prêt usuraire que la fraternité évangélique repoussera toujours, et l’accord fait de gré à gré entre deux individus également libres, contrat qui doit porter profit à cha-

  1. Chez Périsse, rue du Pot-de-Fer, Saint-Sulpice.