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ÉCONOMIE POLITIQUE.

qui tend à perpétuer leur infériorité, en les privant des ressources du crédit. Amiens, Toulouse, Orléans, Chartres et Dijon sont en instance pour obtenir une dérogation aux réglemens, et c’est le représentant de cette dernière ville qui porte la parole dans l’intérêt commun. Selon M. d’Esterno, une banque devrait être accordée, non pas à une ville, mais à une circonscription territoriale. Le sol devrait être réparti en vingt ou trente régions financières, dont les limites seraient tracées, non pas d’après les divisions administratives, mais seulement par les exigences du commerce et par l’affinité des intérêts. Chacune de ces banques serait pourvue d’un capital effectif de 2 à 10 millions, selon l’importance des services qu’on attendrait d’elle. En outre, liberté lui serait laissée d’ouvrir des comptes courans, et de payer intérêt aux sommes versées dans sa caisse. Des communications établies généralement permettraient à chaque banque de prendre du papier sur les places situées dans le ressort des autres banques, et de le faire encaisser par ces dernières. Enfin, toute banque recevrait à bureau ouvert les billets de ses correspondantes, et donnerait les siens en échange. On prévoit les objections de l’autorité ; elles sont dictées par une prudence rigoureuse, mais salutaire. L’agglomération de plusieurs villes, réunies par un organisme financier, pourrait constituer à la longue de petits apanages féodaux, sous la dépendance des grands capitalistes ; des intérêts de localité pèseraient sans cesse sur les ressorts de la politique nationale. Si les banques provinciales payaient un intérêt pour les sommes déposées, ce que ne fait pas la banque de France, et devenaient, selon l’expression de M. d’Esterno, la caisse d’épargne des gens aisés, elles absorberaient tout le capital flottant, et seraient ainsi plus nuisibles qu’utiles à la circulation. La faculté d’augmenter au besoin le fonds de réserve par des emprunts effacerait du code des banques l’article qui fait toute leur force, celui qui leur interdit toute spéculation chanceuse. Admettre l’échange mutuel des billets, ce serait établir entre toutes les caisses une solidarité fâcheuse et communiquer nécessairement à tout le territoire les inquiétudes d’une crise locale. L’inconvénient qui domine tous les autres, est de diviser tellement le droit de battre monnaie, que l’émission échappe au contrôle du gouvernement.

Au surplus, la discussion qui ne tardera pas à s’ouvrir dans les chambres à l’occasion du renouvellement des priviléges de la Banque de France, décidera du sort des banques départementales. Il est un point vers lequel tendent toutes les opinions désintéressées. Le meilleur système est celui qui fera de l’état, sinon le garant, au moins le régulateur suprême du crédit. Il doit veiller à ce que les banques ne soient pas une machine absorbante à l’usage des actionnaires, et faire en sorte qu’elles fonctionnent pour l’utilité du plus grand nombre, nous voudrions pouvoir dire de tous : malheureusement, il y a une limite en dehors de laquelle leur action se fera bien difficilement sentir. M. d’Esterno répète, après beaucoup d’autres, que des comptoirs d’escompte d’un accès facile chasseraient de nos campagnes l’usure, ce fléau qui les dévore. Oublie-t-il ce qu’il a dit avec raison quelques pages plus