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bateaux n’est encore acquitté que par les pauvres et les paysans. Tout homme bien vêtu est présumé noble.

Bude se compose de trois parties distinctes. Le quartier adossé contre le Bloksberg, montagne qui joue un grand rôle dans les traditions merveilleuses du pays, est une véritable ville du moyen-âge. Les rues de ce quartier sont étroites, sales et à peine pavées ; les maisons basses, toutes à pignons sur le devant et la plupart construites et couvertes en bois. De nombreuses flaques d’eau jaunâtre, des immondices et des amas de fumier où des troupeaux de porcs trouvent leur nourriture, obstruent la voie publique et infectent l’air. Rien n’est plus pittoresque cependant que l’effet de ce cloaque vu de la rive gauche du fleuve.

Le château du palatin couronne bien le mamelon qui, placé au centre de la ville, la domine de tous côtés. Une ceinture de murailles en mauvais état règne autour de la montagne ; elle renferme d’assez beaux palais, qui s’élèvent tous dans une position ravissante ; on y voit aussi la vieille cathédrale, qui, jadis transformée en écurie par les Turcs, porte encore sur ses autels les marques de la profanation, ainsi que des casernes et d’autres édifices publics. C’est dans la cathédrale, et loin des yeux des profanes, que l’on conserve la couronne envoyée à saint Étienne par le pape Silvestre. Le peuple a pour cet emblème royal un respect voisin de la superstition. Le monarque qui, à son avénement, ne l’a point reçu des mains du primat, n’est pas considéré comme légitime. Joseph II avait fait transporter à Vienne la précieuse couronne. Ce fut un deuil public. Les réformes essayées par l’empereur échouèrent toutes auprès de ceux même qui auraient dû les soutenir. En outre, il avait eu l’imprudence d’entamer les priviléges du clergé ; l’archevêque de Gran se mit ouvertement à la tête d’un parti qui aurait pu tenter de rompre l’union de la Hongrie et de l’Autriche, si Joseph ne fût pas mort. Léopold II, son successeur, pour calmer cette dangereuse irritation, rendit la couronne au chapitre de Bude. Partout où elle passa, il y eut des prières et des réjouissances ; elle était déposée sur les autels à côté du Saint-Sacrement, et gardée la nuit par des chevaliers armés. Le peuple parcourait les rues en criant : Hongrie et liberté ! et, comme preuve de son respect pour la liberté d’autrui, il brisait les vitres des citoyens qui n’avaient pas poussé le patriotisme jusqu’à illuminer leurs maisons. Depuis Léopold, la coutume de ceindre la couronne de saint Étienne s’est conservée chez les empereurs d’Autriche. La cérémonie se fait en plein air, au milieu des magnats et du peuple. Fidèle observateur