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que autant une leçon qu’un malheur. Les quartiers de Joseph et de François n’avaient pas été bien construits ; les bâtimens étaient en briques mal cuites qui, bientôt changées en boue, n’ont pu résister à l’action de l’eau. De généreuses souscriptions, montant à plusieurs millions, ont été ouvertes dans tout l’empire ; elles répareront presque intégralement les pertes pécuniaires. Une commission, dirigée par l’archiduc palatin, s’occupe activement d’effacer les effets du ravage ; et pour prévenir le gaspillage de l’argent destiné aux secours, il est remis, non pas aux victimes, mais à des ouvriers qui, sur les ruines des chétives maisons des faubourgs, en élèvent de plus solides et de plus commodes. Aujourd’hui, nul ne peut bâtir sans soumettre d’abord ses plans à la commission, qui les approuve ou les corrige et fait examiner les matériaux par des experts.

Pesth, malgré son importance actuelle, est une de ces villes qu’il faut juger plutôt encore par ce qu’elle sera que par ce qu’elle est ; elle prend un accroissement rapide auquel la navigation si active du Danube ne peut que donner une forte impulsion. C’est ici le lieu de dire quelques mots de cette magnifique entreprise qui, bien incomplète encore, est pourtant si digne d’être encouragée. Elle a été traitée trop sévèrement par des voyageurs étonnés de ne pas rencontrer sur les bateaux de Semlin et de Giurgevo le comfortable que l’on est en droit d’exiger sur ceux qui font le trajet de Paris au Hâvre.

Le Danube, ce fleuve magnifique qui, dans un cours de sept cents lieues, arrose la Bavière, l’Autriche, la Hongrie et les Principautés, ce fleuve qui, en cas de guerre maritime, pourrait servir de communication entre l’Europe et l’Asie, semblait, pour ainsi dire, protégé par les monstres fabuleux dont l’avait peuplé l’imagination des anciens poètes. Quelques barques, espèces de pirogues creusées dans des troncs d’arbres, se hasardaient seules à en côtoyer les rives ; mais toutes s’arrêtaient à cette ligne de rochers si pittoresquement désignée dans le pays sous le nom de Porte de fer. La navigation était coupée en deux ; elle n’avait quelque activité que dans la portion méridionale du Danube, mais personne ne songeait à tirer un parti convenable du plus grand cours d’eau de l’Europe. César, Charlemagne et Napoléon conçurent, sans pouvoir l’exécuter, le vaste projet de joindre le Rhin au Danube, l’Océan à la mer Noire. César voulait ouvrir un canal de Constance à Ulm ; Charlemagne eut la pensée d’effectuer la jonction des deux grands fleuves par le Mein ; Napoléon fit commencer les travaux d’un canal qui d’Anvers aurait abouti à Cologne, et de Cologne à Neubourg sur le Danube. Les évènemens de 1814 empêchè-