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HISTOIRE DE FRANCE.

contre la nation ; et, d’un moment à l’autre, la nation pouvait redemander l’exercice de ses libertés. D’une autre part, le parlement épiait l’instant de satisfaire son ambition, et de joindre le pouvoir politique au pouvoir judiciaire.

Si, dans l’état politique du pays, le pouvoir royal trouvait matière à grave contradiction, à résistance envers lui, et même, en certains cas, à révolte, il n’avait pas moins à craindre de l’esprit religieux, des doctrines du clergé, des prétentions de la cour de Rome. Sixte-Quint et Grégoire XIV avaient disposé deux fois de la couronne, l’avaient ôtée tour à tour à Henri III et à Henri IV. Non-seulement le clergé et la Sorbonne, mais la plus grande partie du peuple, adhérèrent à cette déchéance pour cause religieuse. Ils ne reconnurent jamais les droits absolus et indépendans de la croyance, que Henri IV tirait de sa naissance et des lois du royaume : le roi ne fut obéi qu’après avoir préalablement abjuré, qu’après avoir été absous par le pape ; les ligueurs ne cédèrent dans leur révolte qu’après qu’il eut cédé dans sa foi ; ce furent là les plus sensés et les plus calmes. Jacques Clément tua Henri III. Une vingtaine de furieux s’armèrent contre Henri IV, s’en prirent successivement à sa vie, d’abord parce qu’il était hérétique ; ensuite, quand il eut embrassé le catholicisme, parce qu’il n’était pas absous par le pape ; et enfin, quand il fut catholique et absous, parce qu’ils imaginèrent qu’il voulait attaquer le pape. Ravaillac l’assassina « pour la raison qu’en faisant la guerre au pape, c’était la faire contre Dieu, d’autant que le pape est Dieu, et Dieu est le pape. » Et tandis qu’une aveugle fureur poussait le bras de ce forcené, le clergé, tout en le désapprouvant, soutenait la dangereuse doctrine « que l’autorité du pape est pleine, plénissime au spirituel, indirecte au temporel. »

Ainsi, à la mort de Henri IV, de faux principes dans des esprits égarés, d’abominables convictions, dans quelques ames, laissaient encore indécises les deux grandes questions de l’indépendance de la couronne et de l’inviolabilité de la personne des rois, tandis que l’état politique du pays rendait le pouvoir royal vulnérable de plusieurs côtés.

Victime de l’assassinat, Henri IV avait pris ses sûretés contre l’ambition et contre l’esprit de révolte : il n’était pas demeuré, et il ne laissait pas son successeur désarmé en présence de la maison d’Autriche, des seigneurs, des huguenots, des brouillons qui seraient tentés de réclamer, par voie de soulèvement, de légitimes libertés. Outre bon nombre de garnisons entièrement dévouées, il léguait à son fils deux armées, l’une en Champagne, l’autre dans le Dauphiné ; des finances en bon état ; une épargne considérable enfermée à la Bastille ; un ministre dépositaire de ses secrets et de sa politique ; un grand amour du peuple pour la forme de son gouvernement ; un sentiment profond des avantages qui résultaient pour tous de, la paix, de l’ordre public, de la tolérance religieuse.

Des faits que nous venons d’exposer, il résulte qu’au dedans et au dehors rien n’était décidé sans retour à l’avènement de Louis XIII ; que dans sa politique intérieure et extérieure, la France n’était pas irrésistiblement entraî-