Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/811

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
807
HISTOIRE DE FRANCE.

sur le pied le plus respectable les places fortes, les garnisons, les armées, l’artillerie, et pour créer notre marine ; pour solder régulièrement les appointemens des officiers, qui jusqu’alors s’étaient payés en exactions sur le peuple ; pour rendre les rivières navigables et ouvrir le canal de Briare ; pour protéger les sciences, les lettres, les arts ; pour agrandir et orner le Louvre, Saint-Germain, Monceaux, Fontainebleau. À l’emploi qu’ils faisaient de ces coffres si bien garnis de deniers, ils pouvaient en vérité les voir avec plaisir, mais dans un sens un peu différent de celui que l’auteur donne à ces mots.

Au commencement de son troisième livre, M. Bazin rend compte des états de 1614, les derniers états-généraux de la monarchie, avant ceux de 89. Ici encore il n’a pas fait une assez large part aux questions politiques et religieuses qui s’étaient agitées sous Henri III et Henri IV, et qui dominaient les faits et les esprits au commencement du règne de Louis XIII ; et, à notre avis, cette solution de continuité, cette rupture entre un passé très rapproché et le présent nuit à la juste appréciation d’une partie des délibérations et des actes des états de 1614. En tête de son cahier le tiers-état inscrivit un célèbre article, auquel il donna le nom de loi fondamentale, et dans lequel il établit de la manière la plus précise, la plus obligatoire pour tous, l’inviolabilité de la personne de nos rois, et l’indépendance de leur couronne. M. Bazin prétend que cet article ne touchait à aucun intérêt matériel, qu’il était de simple théorie ; que cette question était la plus grande, la plus insoluble, la plus inutile, qui pût être offerte à la dispute des hommes. Cette assertion nous paraît au moins très problématique, et notre doute se fonde sur deux espèces de faits. Les uns, et nous les rappelions tout à l’heure, se rapportent aux règnes de Henri III et de Henri IV : ceux-là prouvent invinciblement, au moins pour nous, que les doctrines contraires à l’indépendance de la couronne et à l’inviolabilité de la personne des rois avaient fait vaciller le sceptre entre les mains victorieuses et habiles de Henri IV, comme entre les faibles mains de Henri III, et qu’elles avaient coûté la vie à tous deux. Les autres faits dépendent du règne de Louis XIII. Voyons s’ils n’établissent pas que, depuis quatre ans, tous les principes sur lesquels repose l’ordre public avaient été attaqués ; que par conséquent il y avait urgente nécessité à les raffermir ; à fixer l’opinion sur les questions fondamentales de notre droit politique, à déterminer ce que l’on devait, dans l’intérêt de la nation, d’obéissance à l’autorité, et de garanties à la vie des rois.

D’un côté, les huguenots pensaient que la confirmation de l’édit de Nantes, accordée dans les premiers jours du nouveau règne, n’était qu’une concession hypocrite et transitoire faite à la nécessité. Leurs chefs, exploitant ces craintes, leur persuadaient que les secrètes et véritables intentions du gouvernement à leur égard étaient l’abolition de tous les édits de pacification, la destruction de la réforme en France. Dans l’alliance et le double mariage conclus par la régente avec la cour d’Espagne, on leur montrait la menace du renouvellement des persécutions dont les huguenots de