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HISTOIRE DE FRANCE.

à la haute critique, et, dans le domaine de l’art, posa les bornes propres à guider la marche du talent et à prévenir ses écarts.

Les lettres sacrées ne lui durent pas moins que les lettres profanes. Le palais élevé, les dotations constituées à l’antique Sorbonne, tout ce qu’il fit matériellement pour agrandir son existence, ne sont que le signe extérieur des larges développemens qu’il donna à son enseignement. Par la nouvelle constitution de cette école, il assura aux études théologiques une étendue, une force, une gravité inconnues depuis long-temps. Les autres établissemens religieux se piquèrent d’une louable émulation, et montèrent leur enseignement au ton et à la hauteur de celui de la Sorbonne. Le clergé gallican reçut une instruction dont rien ne donne l’idée dans les siècles précédens : il devint le plus savant et le plus éclairé des clergés de l’Europe. C’est à ce grand changement, opéré par Richelieu, que Bossuet, Bourdaloue, Arnauld, durent d’une manière indirecte, mais incontestable, la solidité et la profondeur de doctrine, la vigueur de dialectique qui éclatent dans leurs ouvrages. C’est dans les institutions du cardinal que l’admirable église du siècle de Louis XIV puisa sa force et son lustre.

La diffusion de la science profane et sacrée, la multiplication des connaissances et des idées en France sont dues à quelques autres fécondes idées de Richelieu. L’imprimerie royale n’avait guère survécu à François Ier, son fondateur. Le cardinal la rétablit, et il sembla lui communiquer sa prodigieuse activité : en moins de deux ans, cette imprimerie donna soixante-dix grands volumes français, grecs, latins, italiens, d’une correction et d’une exécution admirables : après l’Imitation, elle publia les grandes collections des conciles, des pères de l’église, des historiens byzantins. Richelieu forma, pour son usage, une riche bibliothèque qu’il tint ouverte aux hommes lettrés : il augmenta la bibliothèque royale, et porta le nombre des manuscrits jusqu’à quatre mille[1].

Enfin il étendit aux beaux-arts l’impulsion qu’il voulait communiquer à tout. Le principal corps de bâtiment du Louvre fut continué, et le palais Cardinal fut construit. Il appela Poussin de Rome, pour peindre la grande galerie bâtie par Henri IV ; et si ce genre de travail, mal approprié au génie de Poussin, n’augmenta pas sa gloire et ne servit pas à l’instruction de nos peintres, il témoigna de l’estime du gouvernement pour les arts, et leur fit un noble appel. Richelieu surmonta sa prédilection pour Champaigne, et demanda aux artistes nationaux une partie des tableaux qui devaient décorer son palais de Paris et sa maison de Ruel. Il employa Vouët, donna ainsi une sorte de consécration à son talent, lui fournit une autorité et des moyens d’action tout nouveaux sur l’école de peinture qu’il formait alors.

  1. Sauval, Antiquités de Paris, tom. II, in-fo, pag. 41. Tricher Dufresne était le correcteur, et Cramoisi l’imprimeur de l’imprimerie royale. — De Roquefort, Dictionn. Hist. des Monum., pag. 67, 285.