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victorieux. En Hongrie ; Bela III, roi juste et sévère, avait dans ses états départi à l’église cette liberté que les papes s’efforcèrent de lui faire octroyer partout ailleurs ; il mourut peu de temps après l’élection d’Innocent. À Constantinople, Isaac l’Ange avait été jeté du trône dans les fers par le crime de son frère Alexis ; dans quelques années, l’empire grec tombera au pouvoir des Vénitiens et des Français. En Égypte et dans les pays où Saladin avait si puissamment régné, ses fils et son oncle Saffeddin se faisaient une guerre qui permettait aux chrétiens de respirer un peu. Dès la première lettre qu’il écrivit, Innocent exprima les principes sur lesquels devait reposer son administration. « Il est de notre devoir, disait-il, de faire fleurir la religion dans l’église de Dieu, de la protéger là où elle fleurit. Nous voulons que pendant toute notre vie le christianisme soit obéi, respecté, et que les établissemens religieux prospèrent de plus en plus. » Le grand âge de son prédécesseur avait apporté quelque retard dans la marche des affaires. Aussi, dès le jour de son élection, même avant d’être sacré comme chef de l’église, il se livra avec ardeur au travail. Il s’astreignit lui-même à des habitudes modestes, ne voulut pas qu’on servît plus de trois mets sur sa table, et congédia ses pages en leur donnant les moyens de devenir chevaliers. Il ne permit plus aux cardinaux de recevoir de l’argent pour l’expédition des affaires, afin de couper court aux plaintes, aux accusations qui s’élevaient déjà contre la vénalité romaine, comme le prouve cette exclamation d’un chroniqueur : « Réjouis-toi, ô Rome ! les portes des trésors terrestres sont ouvertes ; l’argent afflue vers toi. Réjouis-toi de ce que la discorde a éclaté dans l’enfer, afin d’augmenter ton lucre ! Contente ta soif ; répète ton ancien refrain ! Ce n’est pas par la religion, mais par la méchanceté des hommes, que tu as vaincu le monde. » Innocent dut aussi songer à rétablir son autorité à Rome même et dans ses provinces. Il profita de la joie du peuple à son élection pour faire disparaître, dans la personne du sénateur, la dernière trace de l’indépendance des Romains, comme il supprima, dans la personne du préfet, la dernière trace de la suzeraineté impériale. Puis il s’occupa des parties éloignées des domaines de l’église. Il fit rentrer dans une complète obéissance la marche d’Ancône et la Romagne, malgré les entreprises de Markwald d’Anweiler, chevalier alsacien. Il soumit aussi le duché de Spolette, le comté de Bénévent et d’autres seigneuries. En Sicile, Constance, veuve de l’empereur Henri, et tutrice d’un enfant qui plus tard sera Frédéric II, cherchait sa force dans le lien féodal avec le saint-siége. Elle envoya