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qui, jusqu’alors exclusivement chrétienne, acquiert la preuve qu’avant elle il y eut tout un monde intellectuel et moral. Le Grec vient à Paris ; le Parisien visite Byzance ; on se mêle, on se compare, et il se trouve que c’est la religion qui a provoqué ces progrès du commerce et de la science. Ainsi, dans la continuité des siècles, tous les élémens de l’humanité viennent tour à tour demander et obtenir satisfaction, car Dieu n’a pas donné le temps aux peuples et aux hommes pour qu’ils fissent toujours la même chose.

Mais il nous faut assister à une des plus puissantes révoltes de l’esprit d’hérésie et de liberté contre l’église catholique. En commençant son récit de la guerre contre les Albigeois, M. Hurter remarque judicieusement que plus les développemens d’une institution sont brillans, plus l’esprit humain met d’activité à rechercher son côté faible ; il s’attache d’autant plus à en épier les imperfections, que cette institution s’efforce de perfectionner son organisation intérieure par une hiérarchie fortement constituée. Deux espèces d’adversaires s’élevèrent au sein de l’église. Les uns cherchaient surtout à attaquer la doctrine déclarée par l’église la seule vraie, la seule qui unisse l’homme à Dieu ; les autres dirigeaient leurs armes principalement contre les formes extérieures, en prenant pour prétexte les exagérations de quelques hommes. Les premiers se rattachent, dès les commencemens de la foi évangélique, à la doctrine des deux principes du bien et du mal, doctrine devenue en Perse une croyance populaire, et que Manès voulut mêler avec le christianisme. Les manichéens se multiplièrent rapidement sans que les lois sévères des empereurs de Constantinople parvinssent à les anéantir. Au XIIe siècle, ils reçurent le nom de pauliciens, soit d’un certain Paul qui renouvela l’ancienne doctrine, soit à cause de la vénération dont ils faisaient profession pour les écrits de l’apôtre Paul. Quand ils se répandirent de plus en plus de l’Euphrate vers l’Asie mineure, les empereurs cherchèrent à les détruire ; ils en déportèrent aussi beaucoup dans la Thrace, dans les vallées de l’Hémus, et c’est ainsi que le germe de leur doctrine passa en Europe. Ils entrèrent en relation avec les peuples occidentaux par les expéditions militaires ou par le commerce. Au commencement du XIe siècle, ils s’introduisirent en Italie, et firent, surtout à Milan, de nombreux prosélytes. De là, dit-on, leur doctrine fut apportée par une femme en France, et à Orléans quelques savans ecclésiastiques abandonnèrent la foi de l’église. Rejetant la plupart des dogmes établis et prétendant à des connaissances plus hautes, ils prenaient volontiers le nom de purs, καθαροι ;