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LA PAPAUTÉ AU MOYEN-ÂGE.

signaler comme une mine inépuisable de faits de toute espèce : non-seulement M. Hurter a écrit une biographie d’Innocent III, mais son ouvrage est encore une histoire générale du moyen-âge pendant le premier quart du XIIIe siècle. Sur tous les pays où a dû tomber le regard du pape, non-seulement sur ceux dont le développement historique datait déjà de plusieurs siècles, mais sur ceux dont la barbarie toute vive n’avait reçu que d’hier le baptême du christianisme, comme la Norvége, le Danemark, la Suède, la Prusse, la Pologne, la Hongrie, la Servie, la Livonie, la Bulgarie et l’Arménie, dont il fallait ramener le culte hétérodoxe à l’unité de l’église latine, l’histoire de M. Hurter livre au lecteur les plus intéressans détails, et le fruit qu’on en retire est la connaissance complète des mouvemens de tous les peuples à cette grande époque. La lumière, il est vrai, n’est pas également étendue sur toutes les parties de ce vaste récit, et la lecture de cette volumineuse histoire est un peu laborieuse. Toutefois on peut l’étudier avec confiance dans la traduction de MM. Saint-Cheron et Haiber ; M. Hurter, après avoir pris connaissance de leur travail pour le premier volume, l’a complètement approuvé, leur a transmis pour les deux autres des communications inédites, et a protesté d’avance contre toute autre traduction qui ne pourrait avoir ce caractère de scrupuleuse exactitude. M. Saint-Cheron méritait de trouver, dans le suffrage de M. Hurter, la récompense de ses consciencieux efforts.

Maintenant, si nous nous interrogeons pour bien nous rendre compte de l’impression et de l’image qu’a laissées dans notre esprit la figure d’Innocent III, nous voyons dans ce pape un homme politique du premier ordre, croyant sincèrement à la vérité du christianisme et aux droits divins de l’église, dont il est à la fois le serviteur et le chef, mais mettant dans la poursuite de ses desseins une raison très positive et une modération très habile. Quelquefois son langage est enthousiaste et sa parole violente, comme lorsqu’il s’écrie, à la nouvelle de l’expédition du fils de Philippe-Auguste en Angleterre : — Glaive, glaive, sors du fourreau ; mais presque toujours il montra dans sa conduite beaucoup de tact et une haute justice. S’il excommunie Othon, c’est après y avoir été provoqué, tant par les agressions de l’imprudent empereur que par le mécontentement d’une grande partie de la noblesse allemande, qui veut mettre sur le trône un Hohenstaufen. Il écrit aux évêques français qu’il n’a jamais songé à diminuer la juridiction et le pouvoir du roi Philippe-Auguste. « Bien loin, dit-il de vouloir attirer à moi la juridiction des autres, je ne