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LA PAPAUTÉ AU MOYEN-ÂGE.

vager les états du pape : il y avait dans l’armée impériale un grand nombre de Sarrasins, sujets musulmans du roi de Sicile. Puis, par un singulier changement d’humeur, l’empereur excommunié a le plus vif désir de partir pour la Palestine. Les rôles sont changés, car le pape lui défend de s’embarquer. Nouveau motif pour Frédéric de presser son départ. Il arrive à Ptolémaïs : on l’accueille d’abord comme un libérateur ; mais deux Franciscains surviennent ; qui apprennent qu’il est excommunié. Frédéric se met à négocier avec le sultan d’Égypte Melik-Kamel ; les deux chefs voulaient la paix, et les deux armées, musulmane et chrétienne, la regardaient comme un sacrilége. Néanmoins elle est conclue, et Frédéric entre à Jérusalem au milieu d’un morne silence. Les prêtres avaient tendu de noir l’église du Saint-Sépulcre, et l’empereur fut obligé de se mettre lui-même sur la tête la couronne de Jérusalem. De retour à Ptolémaïs, il y séjourna peu de temps. Il revint en Europe, se moquant de la croisade, de la Palestine, de son nouveau royaume, et disant que, si Dieu avait connu le royaume de Naples, il n’aurait pas fait de la Judée la terre promise. Et cependant Frédéric était contemporain de saint Louis !

De nouvelles luttes à soutenir contre le pape et les Lombards l’attendaient en Italie. D’abord il triomphe facilement des troupes pontificales, et Grégoire lui répond en déliant tous ses sujets du serment de fidélité. On se rapproche, on fait la paix. Tous deux avaient leurs embarras intérieurs : le pape avait à se défendre contre les Romains, qui l’expulsèrent un moment de la ville pontificale ; Frédéric craignait une révolte de son fils Henri en Allemagne. D’ailleurs les Lombards le préoccupaient toujours ; il se plaignait d’eux amèrement, et surtout des Milanais. « L’Italie est mon héritage, » disait-il. Il attaqua Mantoue, Vérone, prit Vicence ; mais une révolte du duc d’Autriche le rappela en Allemagne. Bientôt un nouvel incident ralluma contre lui la colère de Grégoire IX ; Frédéric donna la couronne de Sardaigne à son fils naturel Enzio. Le pape, exaspéré de cet accroissement de puissance dans la maison de Hohenstaufen, lança contre l’empereur une nouvelle excommunication plus explicite que jamais ; il le dénonça comme un impie, comme un mécréant. Frédéric écrivit pour se justifier aux rois et aux princes de l’Europe. « Rois et princes, leur mandait-il, regardez l’injure qui nous est faite comme la vôtre ; apportez de l’eau pour éteindre le feu allumé dans votre voisinage. Un pareil danger vous menace ; on croit pouvoir abaisser facilement les autres princes, si on écrase l’empereur, qui doit soutenir les premiers coups qu’on leur porte. » Grégoire publia un nouveau manifeste contre l’empereur : il