Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
134
REVUE DES DEUX MONDES.

le signala à la haine de la chrétienté comme ayant dit que le monde avait été trompé par trois imposteurs, Jésus-Christ, Moïse et Mahomet, et qu’il n’y a que les insensés qui croient que Dieu, créateur de tout, ait pu naître d’une vierge. Il le représentait aussi comme aspirant à la monarchie universelle par la connaissance des astres, qu’il avait puisée dans le commerce des Grecs et des Arabes. Frédéric riposta par une violente diatribe ; il traita le pape de grand dragon, d’antéchrist et de Balaam ; et, ne se bornant pas aux injures, il fit chasser de la Sicile tous les frères prêcheurs et tous les moines lombards. Le pape répandit dans toute la France sa bulle d’excommunication contre l’empereur ; il écrivit à saint Louis qu’il y avait plus de mérite à combattre Frédéric que les Sarrasins, et il offrit la couronne impériale au comte Robert, frère du roi. Cette proposition était faite à l’homme le plus juste de son siècle, qui demanda comment le pape pouvait déposer l’empereur ; saint Louis déclara que ce droit n’appartenait qu’à un concile général, en cas d’indignité flagrante ; c’était l’arrêt du bon sens et de la justice. Alors Grégoire voulut convoquer un concile ; mais Frédéric avec sa flotte de Sicile fit prisonniers tous les prélats qui s’étaient embarqués à Gènes pour se rendre à Rome. Cette singulière capture d’un concile en pleine mer égaya beaucoup le parti impérial ; mais l’empereur délivra bientôt les évêques sur la demande du roi de France. Un nouveau pape avait succédé à Grégoire IX, Innocent IV, jadis ami de Frédéric, et bientôt son adversaire acharné. Le nouveau pape, forcé de s’enfuir à Gênes par la guerre qu’il avait lui-même excitée contre l’empereur, sollicita un asile en France du roi saint Louis, qui le lui refusa ; il vint à Lyon, ville neutre, et y convoqua un concile général, après une excommunication préalable lancée contre Frédéric ; il la renouvela en pleine assemblée et le déclara dépossédé de toutes ses couronnes. Quand il apprit ce nouvel anathème, Frédéric se fit apporter ses cassettes, et mit sur sa tête ses couronnes les unes après les autres. Le pape reçut alors une leçon de justice et de sagesse d’un infidèle, car Melik-Salek, auquel il avait écrit pour l’engager à rompre son alliance avec Frédéric, lui répondit : « Nous avons reçu votre envoyé ; il nous a parlé au nom de Jésus-Christ, que nous connaissons mieux que vous et que nous honorons plus que vous ; il y a eu paix entre notre père et Frédéric ; elle est inviolable. »

Frédéric, pour rendre sa cause meilleure et condescendre à l’esprit de son siècle, voulut se purger de tout soupçon d’hérésie ; il se fit examiner par des théologiens et jura qu’il croyait au symbole de