Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
161
LES SEPT CORDES DE LA LYRE.

sans mérite ! si j’avais souffert en vain ! — Mon Dieu ! des souffrances si obstinées, des luttes si poignantes, des nuits si désolées, des journées si longues et si lourdes à porter jusqu’au soir ! — Non, c’est impossible ; Dieu ne serait pas bon, Dieu ne serait pas juste, s’il ne me tenait pas compte d’un si grand labeur ! Si je me suis trompé, si j’ai fait un mauvais usage de ma force, la faute en est à l’imperfection de ma nature, à la faiblesse de mon intelligence, et la noblesse de mes intentions doit m’absoudre !… M’absoudre ? Quoi ! rien de plus ? Le même pardon que, dans sa longanimité dédaigneuse, le juge accorderait aux voluptueux et aux égoïstes !… M’absoudre ? Suis-je donc un dévot, suis-je un mystique, pour croire que la Divinité n’accueille dans son sein que les ignorans et les pauvres d’esprit ? Suis-je un moine, pour placer ma foi dans un maître aveugle, ami de la paresse et de l’abrutissement ? — Non ! la Divinité que je sers est celle de Pythagore et de Platon, aussi bien que celle de Jésus ! Il ne suffit pas d’être humble et charitable pour se la rendre propice : il faut encore être grand, il faut cultiver les hautes facultés de l’intelligence aussi bien que les doux instincts du cœur, pour entrer en commerce avec cette puissance infinie qui est la perfection même, qui conserve par la bonté, mais qui règne par la justice… C’est à ton exemple, ô perfection sans bornes ! que l’homme doit se faire juste, et il n’est point de justice sans la connaissance ! — Si tu n’as pas cette connaissance, ô mon ame misérable ! si tes travaux et tes efforts ne t’ont conduite qu’à l’erreur, si tu n’es pas dans la voie qui doit servir de route aux autres ames, tu es maudite, et tu n’as qu’à te réfugier dans la patience de Dieu qui pardonne aux criminels et relève les abjects… Abject ! criminel ! moi, dont la vertu épouvante les cœurs tendres, et désespère les esprits envieux… Orgueilleux ! orgueilleux ! Il me semble que du haut de ces étoiles, une voix éclatante me crie : Tu n’es qu’un orgueilleux !

Ô vous qui passez dans la joie, vous dont la vie est une fête, jeunes gens dont les voix fraîches s’appellent et se répondent du sein de ces bosquets où vous folâtrez autour des lumières, comme de légers papillons de nuit ! belles filles chastes et enjouées qui préludez par d’innocentes voluptés aux joies austères de l’hyménée ! artistes et poètes qui n’avez pour règle et pour but que la recherche et la possession de tout ce qui enivre l’imagination et délecte les sens ! hommes mûrs, pleins de projets et de désirs pour les jouissances positives ! vous tous qui ne formez que des souhaits faciles à réaliser, et ne concevez que des joies naïves ou vulgaires, vous voilà tous