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SALON DE 1839.

originale, si je puis m’exprimer ainsi, que M. Marilhat savait si bien leur donner autrefois. Au-dessus du palais d’Armide s’élèvent des nuages brillans, mais qui, peints en pleine pâte, n’ont nulle légèreté : on les prendrait presque pour des montagnes ; quant aux figures, elles sont décidément trop peu terminées, surtout pour se trouver au premier plan.

C’est dans le Delta du même auteur, no 1457, qu’on retrouve l’ancienne exactitude de son pinceau. Là, tout est étudié, rien n’est laissé à la manière. Ces grands végétaux des tropiques dont les formes sont rendues avec tant de précision, se retrouvent dans les Jardins d’Armide, mais leur vérité même fait ressortir davantage ce qu’il y a de convenu dans le reste du tableau. C’est comme une rose naturelle au milieu d’un bouquet de fleurs artificielles.

On peut adresser les mêmes reproches, et peut-être avec plus de justice encore, au tableau de M. Aligny, la Madeleine dans le désert, no 16. Un feuillage d’un vert glauque monotone, des arbres dont on ne saurait dire l’espèce, des figures sans élégance et péniblement touchées, voilà les défauts qui frappent d’abord et que ne peuvent racheter entièrement, ni la disposition assurément grandiose du paysage, ni l’effet bien observé d’un soleil couchant qui pénètre au milieu d’une épaisse forêt. M. Aligny me paraît faire peu de cas de la couleur qui offre tant de ressources au paysagiste. Ses teintes sont lourdes, opaques, pâteuses. Au vague de ses premiers plans, on s’aperçoit qu’il a négligé de s’entourer d’études exactes. Les détails les plus en évidence sentent la manière, et, de plus, dénotent une précipitation dans l’exécution que le spectateur ne pardonne jamais. Par exemple, dans le gazon au-dessus duquel paraissent les deux anges, on compte tous les coups de pinceau, et si on compare la grandeur des brins d’herbe à celle des figures, il faudra supposer qu’elles se trouvent au milieu d’une plantation de salade.

Les Carrières de la Cervara, no 153, dans la campagne de Rome, par M. Bertin, offrent un site caractérisé, et suivant toute apparence, très fidèlement rendu. Si ce tableau manque un peu de couleur ou plutôt d’effet, de parti pris, le dessin en est correct et pur. Peut-être est-il trop accentué dans les lointains ; mais la transparence de l’atmosphère des régions méridionales donne aux objets, même très éloignés, une netteté que nous avons peine à concevoir dans nos pays de brouillards. J’ai entendu reprocher à l’auteur son arbre mutilé et l’apparence chétive et misérable de ses végétaux ; pour moi, ce n’est point une faute ; cette nature est celle du site que M. Bertin a choisi