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avec les institutions républicaines. Avec un langage empreint de mesure et de modération réelle, M. Odilon Barrot ne parle jamais que pour désorganiser, car c’est désorganiser que proposer des mesures contradictoires. On nous répondra que M. Dupin a dit aussi quelques paroles en faveur de l’enquête ; mais, depuis sa dernière candidature, nous ne nous chargeons plus d’expliquer les paroles de M. Dupin.

Pour M. Odilon Barrot, quelque désir que nous avons de voir un homme aussi probe et aussi loyal se rattacher au gouvernement, nous ne serions pas sans craintes en le voyant à la tête d’une chambre où les idées de conservation ne nous semblent pas encore dominer. Qui sait où irait une assemblée vacillante avec un guide dont les théories, toujours sincères, dévient si singulièrement dans la pratique ? Le parti doctrinaire refuse, dit-on, pour la seconde fois, de porter M. Odilon Barrot à la présidence de la chambre. Nous ne savons quels sont les motifs de ce parti, puisque c’est un de ses membres, M. Piscatory, qui a fait le premier la proposition d’une enquête ; mais quant à sa décision, nous ne pouvons la brimer. Si M. Odilon Barrot échoue au premier tour de scrutin, le centre gauche et le centre droit, appuyés de tous les hommes modérés de la chambre, soutiendront sans doute la présidence de M. Passy, et ce sera le premier nœud d’une majorité appelée à mettre fin au désordre général des esprits. Le centre gauche, qui est de tous les partis celui qui a le plus marqué dans les élections, aura de la sorte la part qui lui revient dans la victoire, et cette victoire ne sera pas fatale aux principes de conservation. M. Thiers aura rempli, et au-delà, tous ses engagemens avec la gauche, et il pourra figurer dans une combinaison où l’absence de ce chef d’un parti parlementaire puissant serait au moins étrange. On ne nous persuadera jamais que l’existence politique de M. Thiers tient à celle de M. Odilon Barrot, et que les deux programmes sont les mêmes. M. Thiers lui-même le tenterait par un excès d’égards, qu’il n’y réussirait pas, et nous le tiendrions pour un esprit gouvernemental, malgré lui, et en dépit de ses velléités révolutionnaires, tout comme nous regardons M. Odilon Barrot comme un esprit uniquement révolutionnaire, malgré la modération de son caractère, et sa volonté bien prononcée de se montrer et de se faire homme de gouvernement.

En conséquence, nous faisons des vœux pour la nomination de M. Passy à la présidence de la chambre. M. Dupin a longtemps présidé la chambre avec beaucoup d’éclat, avec une impartialité remarquable, et les inégalités de ses opinions ne nous empêcheront pas de lui rendre justice. Mais la nomination de M. Dupin ne remédierait en rien aux embarras qui nous assiégent. Rien ne serait jugé entre les partis par ce vote que l’incertitude même de la situation politique de M. Dupin rendrait encore plus équivoque, et l’on se verrait forcé de remettre la répartition des voix à un autre vote, à un vote sur une question politique sans doute, ce qui ne ferait qu’irriter davantage les partis. Espérons donc que le choix du président sera d’une nature assez