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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

quittés. M. de Lamartine, dans l’une de ses Harmonies, a célébré avec attendrissement ce retour de M. de Maistre, à qui, durant l’absence, une alliance de famille l’avait uni :

Salut au nom des cieux, des monts et des rivages
Où s’écoulèrent tes beaux jours,
Voyageur fatigué qui reviens sur nos plages
Demander à tes champs leurs antiques ombrages,
À ton cœur ses premiers amours !

Que de jours ont passé sur ces chères empreintes !
Que d’adieux éternels ! que de rêves déçus !
Que de liens brisés ! que d’amitiés éteintes !
Que d’échos assoupis qui ne répondent plus !
Moins de flots ont roulé sur les sables de Laisse[1],
Moins de rides d’azur ont sillonné son sein,
Et des arbres vieillis qui couvraient ta jeunesse,
Moins de feuilles d’automne ont jonché le chemin !
................

Ô sensible exilé ! tu les as retrouvées
Ces images, de loin toujours, toujours rêvées,
Et ces débris vivans de tes jours de bonheur :
Tes yeux ont contemplé tes montagnes si chères,
Et ton berceau champêtre, et le toit de tes pères ;
Et des flots de tristesse ont monté dans ton cœur !…

M. de Maistre a lui-même composé beaucoup de vers ; mais, malgré les insinuations complaisantes, il a toujours résisté à les produire au jour, se disant que la mode avait changé. Il a traduit ou imité en vers des fables du poète russe Kriloff : on trouve une de ces imitations imprimée dans l’Anthologie russe qu’a publiée M. Dupré de Saint-Maure. J’ai entre les mains une ode manuscrite de lui, de 1817 ; c’est un regret de ne pouvoir atteindre au but sublime, et le sentiment exprimé de la lutte inégale avec le génie :

Et glorieux encor d’un combat téméraire,
Je garde dans mes vers quelques traits de lumière
Du Dieu qui m’a vaincu.

Il a fait des épigrammes spirituelles. Quelques personnes ont copie

  1. Nom d’un torrent de Savoie.