Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/336

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
332
REVUE DES DEUX MONDES.

car toujours les hommes s’attacheront de préférence à ceux qui débattront devant eux des questions importantes et vitales. — Tous deux avaient pour principal élément de leur talent, le désir ardent et la faculté d’éclairer les questions de médecine par le raisonnement et la logique, et tous deux, en effet, étaient partis d’études littéraires très bien faites : Brown avait étudié avec beaucoup de distinction les humanités dans sa jeunesse, il cherchait avec affectation à imiter Cicéron dans ses dissertations latines ; et, malgré ce qu’on peut avoir dit sur sa première éducation, nous savons que Broussais avait fait au collége de Dinan les meilleures études, et que, vers la fin de sa vie, il aimait souvent à répéter de longues tirades de Virgile et d’Horace. — Enfin, on sait la manie de philosophie qui prit malheureusement Broussais dans ses dix dernières années, et avec quelle ardeur il s’attachait à mettre la philosophie et la morale dans la physiologie et dans la médecine. Ne mourut-il pas en corrigeant les épreuves d’un traité philosophique ? Brown, au moment où il fut surpris par la mort à cinquante-deux ans, avait conçu le projet de faire un traité de morale et de philosophie ; et, comme il avait établi son système médical dans un livre intitulé Élémens de Médecine (Elementa Medicinæ), il voulait établir son système philosophique et moral dans un ouvrage intitulé Élémens de Morale (Elementa Morum). Tous deux, fondant la médecine pratique sur l’état d’excitation ou d’irritation de la fibre organique, et n’y voyant jamais que du plus ou du moins (Brown presque toujours du moins, Broussais presque toujours du plus), réduisirent par là la médecine à une très grande simplicité. Selon Brown, en arrivant près d’un malade, il n’y a que trois choses à déterminer, 1o si la maladie est générale ou locale ; 2o si elle est sthénique ou asthénique ; 3o quelle en est la mesure, la quantité. Mais il a établi, d’ailleurs, qu’à peu près constamment la maladie est générale, qu’à peu près constamment elle est asthénique ; ainsi, il n’y a qu’à savoir quelle dose de toniques le malade peut supporter. Broussais a encore plus simplifié, mais dans le sens contraire ; selon lui, il y a à déterminer :

1o  Quel est l’organe malade ;

2o  Quelle est la nature du mal ; mais elle est à peu près constamment inflammatoire ;

3o  Quelle en est la mesure, c’est-à-dire quels antiphlogistiques le malade peut supporter.

L’un et l’autre ont ainsi tiré des effets très remarquables, ou très bons ou très mauvais, de leur médication privilégiée, celui-là de