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Lorsqu’une fonction s’exerce, c’est avec un ordre et une harmonie voulus, c’est avec un ensemble de circonstances auquel s’accommodent toutes les autres fonctions. Chaque point du corps intéresse le système entier, et le système entier intéresse chaque point du corps, suivant une hiérarchie admirablement coordonnée et prévue, et dont les lois se peuvent observer et déterminer. — Quelle est la cause de cette unité d’action vitale dans l’homme ? Cette cause est inconnue. On ne peut dire qu’elle soit le résultat du jeu des organes, puisque c’est sous son influence que se développent les organes, lorsque l’homme est à l’état de germe ou de matière informe, ni qu’elle soit un effet de la chaleur, de l’humidité, de l’électricité, ou des autres agens physiques, puisqu’elle règle la distribution de ces élémens dans tout corps vivant[1] ; mais, quelle que soit cette cause dans son essence, elle existe : elle existe partout dans l’homme chez qui elle n’a aucun siége particulier.

Eh bien ! ce sont les lois de cette unité vitale, de cette nature vivante, que les bons observateurs de tout temps et de tout pays se sont attachés à étudier et à constater ; c’est l’expression générale de ce fait général de la vie qu’ils se sont appliqués à saisir sur l’homme vivant. Pour nous faire entendre par une comparaison que nous croyons juste, ils ont d’abord cherché le caractère vital de l’homme malade, ainsi que le moraliste et le philosophe cherchent le caractère moral de l’homme social, et comme ces derniers mettent sur un deuxième plan les détails et les effets secondaires du caractère, de même les médecins ont mis sur le deuxième plan les détails et les effets secondaires de la vie de l’homme. Ils ont donc fixé leur première et principale attention sur les grandes réactions générales de l’organisme, sur ces états organiques qui paraissaient être l’altération de la vie elle-même, ou sur des phénomènes qui, quoique particuliers, étaient tellement caractéristiques, qu’ils semblaient bien plutôt dépendre de la manière d’être de tout l’individu, de l’état de sa substance tout entière, que de circonstances locales ou acciden-

  1. « Le principe vital, qui soutient la vie et la chaleur organique au même degré sous des températures si différentes ; le principe vital, qui maintient l’électricité organique chez la torpille, au milieu des eaux de la mer, qui devraient la lui enlever ; le principe vital, qui soutient l’électricité organique sous le climat des Antilles, dans le temps même où les machines électriques ne peuvent fournir d’électricité physique ; la lumière vitale qui rend l’insecte lumineux dans l’obscurité la plus profonde ; le principe vital, dis-je, n’est ni la lumière physique, ni le calorique, ni l’électrique, qu’il met en œuvre, et dont il se joue également sur les organes auxquels il prête sa puissance vitale. » (Récamier, Notes du Traité sur le Cancer.)