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geaient d’aspect et de mode de vitalité, les humeurs changeaient de qualités chimiques (cachexies, cacochymies, altérations de nutrition), et un grand nombre de maladies diverses étaient ainsi caractérisées par une physionomie particulière de corruption ; — quelquefois ces états de l’économie avaient une tendance de plus en plus marquée à la décomposition des parties et à l’épuisement de l’individu ; quelquefois, à raison de circonstances particulières, ils offraient des symptômes de retour à la santé ; des efforts médicateurs étaient suscités par la nature, des crises s’opéraient ; le malade était renouvelé. Dans ce sens, que d’observations précieuses n’avait-on pas faites sur les maladies chroniques, depuis Arétée jusqu’à Bordeu ! Voilà donc, selon l’idée commune, de grandes classes de maladies différentes par leur nature. Il est inutile d’entrer dans de plus grands détails ; nous croyons que ceci suffit pour faire entendre comment le monde médical avait conçu que les maladies différaient par leur matière comme par leur mouvement vital. De ce point de vue, Hippocrate avait prononcé l’aphorisme sublime, qui a retenti dans les âges comme l’écho de la plus pure vérité : Les guérisons des maladies indiquent leur nature[1], aphorisme qui confondra toujours les méthodes médicales fondées sur l’observation étroite d’un seul phénomène pathologique, car, puisqu’il y a des moyens de guérison essentiellement différens et opposés, il y a donc des maladies de natures essentiellement différentes et opposées. C’est contre ces idées consacrées par le bon sens des peuples et l’expérience des médecins, que Broussais est venu protester et poser la phlegmasie, l’inflammation. Or, de quelle base était-il parti pour poser ainsi l’inflammation comme point de départ de tout trouble organique, local ou général ? Il le dit lui-même : « Il fallait partir de quelques bases pour étudier les maladies internes. Eh bien ! ces bases, je les ai puisées dans la chirurgie. L’inflammation doit être à l’intérieur du corps ce qu’elle est à l’extérieur. » Cela est clair à présent : Broussais expliquait tout par l’inflammation, et de plus par l’inflammation la plus simple dans son mode d’origine, dans sa marche et sa terminaison, par l’inflammation chirurgicale : comme si l’inflammation réactive, résultat d’une impression violente extérieure, survenant chez un sujet jouissant de tous les attributs de la santé, avait quelque rapport avec l’inflammation spontanée provenant d’une affection de l’organisme entier ! Ce fut donc là une nouvelle et grande erreur de Broussais, la plus per-

  1. Naturam morborum ostendunt curationes.