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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

nicieuse de toutes ! Il ne comprit pas l’inflammation interne, et toutes ses vues thérapeutiques furent empoisonnées de cette erreur. La médecine fut alors ramenée à une grande simplicité ; elle se réduisit, comme on l’a dit fort ingénieusement, au pansement des organes : un malade fut un blessé. De là, les saignées, les sangsues, les cataplasmes, et un liquide doux et sédatif comme la gomme, qui n’était qu’un cataplasme plus liquide destiné à parcourir les surfaces surirritées et enflammées.

Il fallait à M. Broussais un appareil d’organes qui fût le support de son irritation et de son inflammation, le siége habituel du mal local qui, dans sa pensée, était le point de départ de toute affection générale. Il prit l’estomac et les organes digestifs ; toutes les maladies si variées de ces organes qui, par le fait, sont souvent en souffrance, ne furent plus que des inflammations, depuis le malaise épigastrique de l’hypochondriaque jusqu’aux dépravations de goût de la jeune fille chlorotique. De plus, toutes les maladies qu’on ne sut à quel mal local rattacher furent des inflammations de l’estomac et des intestins ; tous les phénomènes anormaux qui se produisaient dans les autres appareils ne furent que des phénomènes sympathiques de la phlegmasie de l’estomac et du canal intestinal. De là, le règne de la gastrite et de la gastro-entérite, et la médication appropriée, le pansement forcé.

Telle est la série des idées par lesquelles a passé successivement Broussais, pour fonder sa pathologie : localisation primitive de toutes les maladies, nature inflammatoire de presque toutes les maladies, substitution de l’inflammation des organes digestifs à un très grand nombre de maladies jusque-là autrement caractérisées. Quelque compliquée que soit une maladie, c’est à cela qu’il la ramène : il ne voit jamais que ces phénomènes-là, ou leurs effets ; c’est là toute sa médecine pratique.

Mais un esprit comme celui de Broussais avait besoin de pénétrer plus profondément encore dans la nature des maladies, de systématiser avec plus de précision, de présenter des formules plus rigoureuses. C’est ce qu’il fit. En quoi consiste le fond de cette doctrine ? Nous allons le dire en peu de mots, non pas tant à cause de l’étendue de ce travail déjà peut-être un peu long, que parce que cela peut en effet se dire brièvement.

L’idée-mère de Broussais ne diffère en rien de celle de Brown : il professe avec Brown que la vie ne s’entretient que par l’excitation. L’homme vivant est un être excité par ce qui l’entoure à un certain