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vicissitudes de cet empire ne sauraient atteindre que par le côté des intérêts généraux de l’équilibre européen, auraient-elles contemplé du même œil une crise qui tendait à la dissolution de la Turquie, et accordé leurs vues sur les moyens de la terminer ? Le problème semblait insoluble.

L’insurrection grecque avait mis en présence la Russie d’une part, l’Autriche et l’Angleterre de l’autre : la Russie, cause première et active de cette révolution, disposée à lui prêter l’appui de sa diplomatie et de ses armes ; l’Autriche et l’Angleterre alarmées de ces tendances et s’épuisant en efforts pour empêcher une collision nouvelle entre les Russes et les Turcs. De là, entre les trois puissances, une lutte diplomatique qui ne finit qu’à la mort d’Alexandre, et dans laquelle tous les avantages restèrent aux cours de Vienne et de Londres. Alexandre usa l’activité de ses dernières années à comprimer les élans de sa nature religieuse et mystique qui l’entraînait vers les Grecs, et l’ambition de son cabinet et de sa noblesse qui le poussaient sur le Bosphore. Il se laissa garrotter par les mains habiles du prince de Metternich dans les liens de son propre système. La sainte-alliance était fondée sur le maintien du statu quo européen et sur la compression des idées libérales de l’Occident. La Russie, en débordant sur l’Orient, bouleversait le statu quo. La Turquie avait été mise, il est vrai, en dehors des stipulations conservatrices de la sainte-alliance ; mais l’empereur Alexandre savait bien qu’en usant de son droit, il eût violé l’esprit, sinon la lettre du système, et mis en péril l’équilibre et la paix de l’Europe. Il eût de même été forcé d’abandonner la direction morale du continent. Que pouvait-il répondre à M. de Metternich, lorsque ce ministre lui montrait le libéralisme de l’Occident enchaîné avec tant de peine par la sainte-alliance, comprimé en France, vaincu à Naples, à Turin, à Cadix, en Allemagne, mais encore plein de sève et d’espoir dans ses défaites, et épiant l’occasion de briser ses entraves et de se déchaîner de nouveau sur l’Europe ? C’est ainsi que l’empereur Alexandre, vaincu par ses propres armes, fut réduit à subir, dans ses conséquences même les plus éloignées, le système qu’il avait fondé. Il lui fallut assister l’arme au bras, pendant six années, au massacre de ses frères en religion, de ces Grecs que la main de son aïeule et la sienne sans doute avaient secrètement poussés à la révolte. Sa mort mit enfin un terme à cette lutte douloureuse. Aucune révélation n’a encore éclairci les circonstances mystérieuses qui ont enveloppé sa fin prématurée ; mais ce qui a saisi non moins vivement toute l’Europe, c’est la découverte de cette trame militaire qui, dans son réseau