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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/491

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MAHMOUD ET MÉHÉMET ALI.

Le salut des Grecs et leur affranchissement n’étaient point le principal but qu’avait poursuivi l’Angleterre en signant le traité du 6 juillet ; elle voulait, avant tout, enlever à la Russie un prétexte pour intervenir seule dans les affaires d’Orient ; c’était la Porte qu’elle voulait protéger, qu’elle voulait sauver. Toute médiation armée, exercée de bonne foi, suppose le recours à la force pour réduire celle des parties belligérantes qui refuse d’adhérer aux bases de la médiation. Dans le cas actuel, la résistance ne pouvait venir des Grecs décimés et vaincus, mais de la Porte dont les derniers succès d’Ibrahim avaient exalté l’orgueil. Un conflit entre les couronnes médiatrices et la Porte entrait donc dans les éventualités probables de la médiation. Mais la Porte était précisément la puissance qui excitait toutes les sollicitudes du cabinet de Londres ; c’était pour la garantir des coups de la Russie qu’il intervenait activement dans la crise du Levant. Le système dont le traité du 6 juillet était le point de départ ne pouvait donc pas se passer de son complément nécessaire, c’est-à-dire d’un ensemble de combinaisons calculées à la fois pour affranchir la Grèce et protéger la Porte. Il fallait que l’Angleterre et la France arrachassent d’une main les Grecs à une destruction certaine, et que de l’autre elles offrissent au sultan l’appui de leur alliance. Si, après leur avoir demandé son consentement au traité du 6 juillet, elles lui avaient dit : « La Russie vous menace, elle veut votre ruine ; c’est pour lui ôter le droit de vous faire la guerre que nous intervenons dans votre lutte contre la Grèce : nous voulons protéger l’œuvre régénératrice que vous avez entreprise, vous donner le temps de vous créer une armée ; acceptez le traité, et nous vous assurons l’appui de nos trésors, de nos armées et de nos flottes, » Mahmoud, si obstiné qu’il fût, eût sans doute compris ce langage ; à côté d’un grand sacrifice, il eût vu un bienfait, et il se fût résigné au premier pour obtenir le second. S’il avait persévéré dans sa résistance, c’eût été encore un devoir pour les cours médiatrices de le sauver en dépit de lui-même, et, après l’avoir châtié à Navarin, de protéger sa faiblesse contre les Russes. De cette manière seulement, la politique et l’humanité pouvaient être conciliées. Mais, pour qu’une telle conduite fût adoptée, une condition première était indispensable, c’était que la France s’y associât sans réserve, qu’elle fût résolue à l’épuiser en quelque sorte dans toutes ses conséquences, qu’elle tendît au même but que son alliée : la garantie, dans son intégrité, de l’empire ottoman. Partageait-elle à cet égard toutes les idées du cabinet de Londres ? Quelles étaient précisément ses vues ? De quel côté l’entraînaient ses