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d’une même pensée le peuple, les classes moyennes et les antiques familles, en leur faisant accepter une organisation commune. Aux élections pour le comité catholique, plusieurs membres de la gentry furent choisis pour représenter leurs co-religionnaires : ils parurent avec un certain empressement aux premiers meetings ; mais les pairs et les baronnets catholiques ne s’y rendirent point, blessés qu’ils furent des empiétemens et des prétentions des classes moyennes ; ils se tinrent à distance, dans une hésitation inquiète qu’on put prendre pour une sorte de réserve hautaine[1]. La bourgeoisie commerciale, dirigée par un homme énergique sorti de ses rangs, John Keogh, forma donc à peu près seule cette seconde association, qui dut aux circonstances plus qu’à sa force intrinsèque des succès garans d’un meilleur avenir.

La crise qui se préparait en France, la guerre que cette crise allait inévitablement allumer, rendirent le parti catholique et le parti patriote plus hardis dans leurs demandes, plus menaçans dans leurs exigences. L’Angleterre dut céder devant la révolution française, comme elle avait cédé devant la révolution d’Amérique, et tandis que parmi nous la terreur ouvrait les prisons aux confesseurs du culte catholique, et dressait des échafauds pour ses nombreux martyrs, le contre-coup de cette catastrophe amenait, en Irlande, la chute d’un édifice élevé par une autre tyrannie et marquait pour tout un peuple l’ère de la liberté religieuse. Ainsi va le monde, ainsi les événemens s’enchaînent les uns aux autres en dehors de nos prévisions, et conduits par une logique divine.

En 1792, les catholiques virent lever l’empêchement qui leur interdisait l’enseignement domestique, ils furent admis au barreau et aux diverses professions libérales aussi bien qu’à certaines fonctions publiques ; concessions qui furent le prélude de conquêtes plus décisives. En 1793, au moment même où l’Angleterre commençait contre la France sa guerre d’un quart de siècle, elle n’hésita pas à conjurer, par un grand changement dans sa politique envers l’Irlande, l’orage grossissant de plus en plus de ce côté. Alors passa ce célèbre relief-bill qui investit les catholiques irlandais du droit de voter aux élections pour les membres du parlement, droit qui devait plus tard, et après une lutte sans exemple, leur en ouvrir enfin les portes.

  1. Wyse’s hist. of the cathol. association. — On lira avec fruit, sur les évènemens dont nous ne présentons ici qu’une rapide analyse, une substantielle brochure intitulée Ireland and O’Connell, etc., Edinburgh, 1835.