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DE L’IRLANDE.

que, quelle que soit l’issue définitive de la réforme municipale, l’ascendant ne manquera point dans les villes irlandaises à l’esprit de la bourgeoisie libérale ; cet esprit se produira dans toutes les élections, et les membres irlandais le porteront au sein du parlement où ils sont appelés à faire, durant de longues années, l’appoint de toutes les majorités.

L’intérêt bourgeois ne périclite donc point en Irlande ; ce n’est pas là qu’est la plaie, ce n’est pas là que doit être appliqué le remède : la population rurale, avec ses mœurs sauvages et ses besoins qui excusent presque ses crimes, telle est, telle doit être la préoccupation constante d’un gouvernement qui met son honneur à rendre à la paix et à la civilisation l’une des plus intéressantes contrées du globe.

Nous attendons peu des plans nombreux d’éducation nationale présentés au parlement ou déjà essayés par lui. L’ignorance est moins grande en Irlande que dans beaucoup d’autres pays qui lui sont fort supérieurs en bien-être et en tranquillité ; on peut même dire que l’éducation populaire y est relativement avancée. Ce qui manque à ce peuple, ce n’est ni l’instruction, ni la pureté des mœurs, ni la foi, ni tous les instincts honnêtes et bons par lesquels les nations prospèrent ; ce qu’il réclame, c’est du travail ; ce qu’il faut lui donner, c’est du pain. Trouver un moyen d’assurer au paysan irlandais une alternative quelconque entre la possession du sol et le dénuement absolu ; lui créer une ressource pour sa vie lorsqu’il ne peut obtenir la location de quelques arpens, et l’empêcher de s’attacher en désespéré à son petit champ de pommes de terre en lui montrant ailleurs un moyen de sustentation, tel est le secret d’où dépend l’existence de tout un peuple, secret formidable pour la Grande-Bretagne depuis qu’elle comprend la solidarité de ses destinées avec celles de cette terre malheureuse.

Le parlement a pensé que le moyen le plus efficace d’améliorer le sort du peuple des campagnes, et de le sauver des périls et des excitations inséparables d’un tel état de choses, était de fonder une provision légale pour les pauvres, et dans ce but la législation sur le paupérisme, modifiée par le statut de 1834, a été, en 1838, étendue à l’Irlande dans toutes ses dispositions.

L’avenir seul décidera d’une innovation sur la portée de laquelle il y aurait une sorte de témérité de la part d’un étranger à se prononcer aujourd’hui. Il est facile de répéter les objections adressées avec tant de fondement au système anglais et d’établir que mieux vaut prévenir la pauvreté que de la soulager, en lui créant comme un