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DE L’IRLANDE.

bénéfices sans charge d’ames fut arrêtée pour recevoir son exécution au fur et à mesure des décès. Enfin une disposition plus grave vint frapper dans ses sommités le personnel de l’église établie. Le nombre des évêchés fut abaissé de vingt-deux à dix ; disposition contre laquelle s’éleva avec force le banc ecclésiastique, comme constituant un empiétement sur la juridiction spirituelle, mais que le cabinet parvint à faire triompher en s’appuyant sur des précédens historiques, et en développant une subtile distinction entre la suppression et la réduction des siéges.

Mais la question principale était, nul ne l’ignore, celle des propriétés appartenant à l’établissement ecclésiastique ; c’était là que l’opinion publique attendait le cabinet, et ce fut sur cette question qu’il resta fort en-deçà des limites qu’une fermeté prudente lui aurait probablement permis d’atteindre à une époque où le parti tory, tout meurtri de sa récente défaite, n’avait pas encore retrouvé une confiance aujourd’hui pleinement justifiée. La seule chose qu’osa lord Althorp fut une motion tendant à appliquer aux besoins de l’état, non pas une partie des propriétés ecclésiastiques, mais l’excédant de valeur que ces propriétés pouvaient acquérir à raison de nouvelles dispositions législatives. Il proposa d’autoriser les évêques à concéder à leurs tenanciers des baux perpétuels au lieu de baux à courte échéance ; faculté toute nouvelle, qui créait un capital nouveau sur lequel l’église n’avait pas pu compter jusqu’alors, et dont il était légitime de faire profiter la société civile. Ceux là même qui déniaient au pouvoir politique toute action sur la propriété de l’église devaient reconnaître, selon le chancelier de l’échiquier, que tous les produits additionnels obtenus en vertu de ce nouveau système pouvaient être employés par l’état selon le mode que le parlement estimerait convenable. Quelque interprétation que lui donnât le cabinet, ce projet impliquait manifestement un principe que l’opinion libérale devait accueillir avec faveur ; mais dans un moment où la fièvre de la réforme travaillait encore l’Angleterre, lorsqu’à ces ardentes excitations l’Irlande joignait celles de ses souffrances séculaires, et que les attentats s’y multipliaient chaque jour, il était impossible qu’une proposition plus logique et plus hardie ne partît pas de l’assemblée nationale. Si un riche établissement épiscopal était pour l’Angleterre un instrument politique en rapport avec le principe de son gouvernement, il n’était pour l’Irlande qu’une insulte à la conscience et au bon sens, qu’un obstacle éternel à la paix publique et à l’union avec la Grande-Bretagne. Aussi, dans la session suivante l’église irlandaise fut-elle l’objet