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LA VALACHIE.

ce nom les églises nombreuses que la superstition et le remords bien plus que la piété ont fondées dans le siècle dernier. Statues informes, peintures à fresque, où des sujets religieux et profanes se trouvent confondus de la façon la plus bouffonne, tout offre un parfait modèle de mauvais goût. L’autel est, selon le rit grec, séparé du reste du temple par un voile, qui n’est levé qu’à certains momens de l’office ; des rideaux de diverses couleurs donnent au jour des reflets changeans et bizarres. Cet appareil peut éblouir les yeux, frapper l’imagination, mais il n’atteint pas d’autre but ; il ne parle nullement au cœur.

Passons maintenant aux hôpitaux et aux prisons, ces deux réceptacles des misères humaines. Boukarest renferme de nombreuses maisons de charité ; il en est deux, entre autres, qui méritent des éloges. La première, fondée en 1835, d’après le testament du prince George Brankovano, offre un asile à soixante malades des deux sexes ; la seconde est un hôpital militaire organisé par les Russes. Cet établissement, surveillé par des médecins allemands, peut soutenir la comparaison avec tous ceux du même genre. — La prison pourrait être mieux tenue ; cependant, il faut bien en faire l’humble et triste aveu, elle offre un aspect moins pénible que la plupart des nôtres. Il y a pour cet établissement quelques espérances d’amélioration à concevoir. M. Cheresco, l’aga actuel, s’occupe beaucoup de la réforme du système pénitentiaire, et j’ai vu avec un vif plaisir que ce magistrat avait médité sur le beau livre de MM. A. de Tocqueville et de Beaumont. La mort a disparu du code criminel. La peine de mort, celle de couper les mains, la torture et la confiscation sont abolies comme contraires aux lois anciennes et aux mœurs du pays, tel est l’article textuel du nouveau règlement qui proclame cette mesure. Le sang ne coulera plus sur la place publique : c’est un grand pas de fait. Mais il existe dans la pénalité valaque une tache à effacer ; je veux parler de la condamnation aux mines. Les malheureux qui en sont frappés, enfouis dans les entrailles des salines, disent au jour un adieu éternel, et parfois sans doute il leur arrive de regretter le glaive du bourreau. M. Cheresco m’a assuré qu’il était le premier à blâmer cette peine barbare comme elle le mérite, et qu’on cherchait activement, tout en protégeant les droits de la société outragée, les moyens de ne point blesser ceux de l’humanité.

Cet exposé a déjà suffi pour faire voir qu’en Valachie le bien et le mal, la barbarie et la civilisation se balancent. Faisons d’abord une remarque : c’est que l’œuvre civilisatrice est plus complexe en Vala-