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paroisse, et nomment des députés chargés à leur tour d’élire parmi les citoyens possesseurs d’un immeuble de 2,800 francs les quatre membres qui forment le corps municipal. Je n’ai pas besoin de faire remarquer tout ce que ces dispositions ont de sage et de libéral ; elles sont pour le pays des gages certains de prospérité et d’avenir.

Pour juger, comme elle mérite de l’être, la partie de la constitution qui est relative aux campagnes, il faut se rappeler ce que sont les paysans valaques, c’est-à-dire, des individus qui, sortis tout récemment de la barbarie la plus complète, ont besoin non-seulement d’un frein légal, mais encore d’une tutelle renfermée dans de justes limites. La loi proclame hautement l’abolition du servage ; la propriété du sol est dans les droits de chacun, et la noblesse elle-même est accessible au dernier des citoyens, s’il se rend digne de la mériter.

Les grands boyards sont obligés de fournir aux paysans une quantité de terres variable selon leurs besoins et ceux de leurs familles, à charge, par ces tenanciers, de payer la dîme, et de fournir dix-huit jours de travail qu’il leur est permis de racheter à un taux fixé par l’assemblée nationale. Les paysans sont soumis à une capitation annuelle de trente piastres (10 fr. 50 c.) ; mais l’impôt du sang qui, dans notre système actuel de recrutement, ne pèse en réalité que sur les pauvres, sans le moindre dédommagement, est en Valachie compté pour quelque chose. Les pères dont les enfans ont été appelés au service militaire, sont de droit exempts de la capitation.

Chaque village a ses archives, sa maison commune, ses percepteurs nommés par les contribuables, et un médecin sans cesse en tournée dans le district pour inoculer les enfans. On avait aussi institué dans les campagnes une sorte de magistrature qu’il a fallu suspendre parce que les populations n’étaient pas assez éclairées pour la comprendre dignement. Dans le but de diminuer autant que possible les frais des procès, et d’éviter des déplacemens toujours coûteux et difficiles, on avait décidé que les paysans choisiraient parmi eux un certain nombre d’arbitres chargés de statuer sur toutes les contestations. Qu’arriva-t-il ? C’est que dans chaque localité, les élus devinrent des maîtres insupportables ; ils jetaient en prison, faisaient battre et rançonnaient leurs administrés, tant et si bien, que ces derniers, comme les animaux de la fable, implorèrent avec instance le rappel de leurs tyrans. Ce fait prouve deux choses, d’abord que les boyards sont décidés à émanciper leurs paysans dès qu’ils le pourront, et ensuite, qu’avant de se livrer à de ridicules déclamations sur l’esclavage des habitans de ces contrées si différentes de la nôtre, il faut exa-