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cette cérémonie, moins l’envoyé de Naples. » C’est ce M. Antonini que M. de Zéa Bermudez a retrouvé à Berlin, toujours aussi passionné, et admirateur aussi fanatique du roi de Hanovre que de don Carlos. Il serait fâcheux que M. de Werther se mît à la suite d’un pareil homme.

Après avoir vu que leur séjour se prolongerait inutilement à Berlin, MM. de Zéa et Marliani partirent pour Vienne ; mais ils y furent moins heureux encore. M. Marliani, réfugié politique italien, ne pouvait y être vu avec bienveillance. La considération méritée dont M. de Zéa jouit en Allemagne ne changea point les dispositions de M. de Metternich à l’égard de la cause que venait plaider auprès de lui l’ancien ministre de Ferdinand VII. Le prince déclara fort sèchement à M. de Zéa que la question d’Espagne n’était pas, à ses yeux, une question de légitimité ni une affaire de succession, mais une question purement politique ; qu’il ne pouvait la discuter avec lui, et qu’il n’avait ni proposition à entendre, ni communication d’aucune espèce à recevoir, et qu’en conséquence il ne lui permettait pas de séjourner à Vienne plus de quarante-huit heures. M. de Zéa tenait-il en réserve, pour ébranler le cabinet de Vienne, ce projet de mariage entre la jeune reine et l’un des archiducs dont les journaux parlaient alors. M. de Metternich a-t-il, vis-à-vis de la France, le mérite de n’avoir pas même voulu écouter une proposition qu’il aurait été si pénible au gouvernement français de voir faire par l’Espagne et accueillir par l’Autriche. Je ne le crois pas. Il me semble que c’eût été, de la part de M. de Zéa, une maladresse. Le cabinet de Madrid accuse peut-être la France d’un peu de froideur ; mais il n’en est pas venu à la vouloir offenser, quand il a un si grand besoin de son appui.

Au reste, je ne suis pas étonné que les cabinets de Vienne et de Berlin n’aient pas accepté la discussion sur la question de légitimité de la jeune reine, car je ne sais trop comment ils auraient répondu à l’argumentation contenue dans le passage suivant, le seul que je veuille citer du mémoire de M. de Zéa.

« Nous nous résumons. Comme nous avons cherché à être le plus concis et le plus clair possible dans cette grave question, nous disons : Veut-on invoquer les lois anciennes, la coutume immémoriale de la monarchie. La légitimité d’Isabelle II se trouve consacrée par une législation nationale de huit siècles de coutume non interrompue, et par les nombreux exemples de reines qui ont porté la couronne d’Espagne. La seule déviation qui se présente à nous, est l’Auto Acordado de 1713, dont l’illégalité est manifeste et qui fut annulé en 1789, sans avoir jamais été suivi d’aucun effet.

« Pour nous servir du dilemme posé par les illustres prélats, dans leur déclaration du 7 octobre 1789, nous disons encore : invoque-t-on l’Auto Acordado de 1713. Veut-on lui accorder force de loi ? C’est, à vrai dire, l’omnipotence souveraine du monarque dérogeant aux lois les plus anciennes et à la coutume immémoriale. Eh bien ! nous accordons pour un moment cette proposition exorbitante. Mais alors on ne saurait nous refuser la continuité inaltérable de cette omnipotence, sous peine de contradiction et de mauvaise foi manifeste. Les droits de Charles IV en 1789, ceux de Ferdinand VII en 1830, étant