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SIDOINE APOLLINAIRE.

t-il, les flammes, le fer, la contagion ? C’est pour cette paix brillante que nous avons arraché aux fentes des murailles les herbes sauvages ! Rougissez, au nom du ciel, de ce traité qui n’est ni glorieux ni avantageux… S’il le faut, nous acceptons volontiers avec plaisir les siéges, les combats, la faim ; mais si nous sommes livrés, il sera certain que vous avez imaginé lâchement un conseil barbare. »

Ces réclamations généreuses de Sidoine furent vaines ; la transaction se fit et l’Auvergne fut livrée officiellement aux Goths. Quand les Goths furent entrés dans la ville d’Arvernum, Sidoine Apollinaire et sa famille se trouvèrent exposés aux ressentimens et aux persécutions des vainqueurs. Sidoine fut exilé dans le château fort de Livia, puis envoyé à Bordeaux près du roi goth Euric, sous prétexte d’une légation, mais réellement pour s’assurer de sa personne. Il était sorti de prison par l’intervention d’un de ces hommes qui s’attachaient aux chefs barbares, devenaient leurs secrétaires, leurs conseillers, et souvent servaient la civilisation, en apprivoisant le maître qu’ils s’étaient choisi. C’est ce que firent Cassiodore auprès de Théoderic, et Léon près d’Euric. Léon était un rhéteur, un ancien compagnon d’études de Sidoine : c’est à lui que Sidoine envoyait la vie d’Apollonius de Thyane ; il en fait souvent un pompeux éloge.

Sidoine parvint bientôt, par son esprit, à dominer, jusqu’à un certain point, le roi barbare. Il fit pour lui ce qu’il avait fait pour trois empereurs romains, un panégyrique en vers. Ayant gagné la faveur d’Euric, Sidoine obtint de revenir dans sa ville épiscopale. Là de nouvelles tracasseries attendaient ses derniers jours. Deux prêtres, instrumens de l’oppression gothique et de l’inimitié que le patriotisme des Avitus et des Apollinaire avait attirée sur leur tête, et en particulier sur celle de Sidoine, soulevèrent contre lui une partie du clergé et du peuple. Sidoine paraît avoir été dépouillé violemment de son rang ecclésiastique ; puis, ayant triomphé de ces inimitiés, il remonta dans sa chaire épiscopale, et il finit ses jours en 489, âgé d’environ soixante ans.

Je n’insiste pas sur les renseignemens que Sidoine peut fournir relativement à la vie sociale et politique de la Gaule, objet un peu étranger à mon sujet, et très bien traité d’ailleurs par M. Fauriel. J’indiquerai seulement la lettre de Sidoine à Pastor, dans laquelle il est fait allusion à de véritables manœuvres électorales, et où le mot popularitas se trouve employé à peu près dans son sens actuel. L’histoire d’Arvandus et celle de Seronatus montrent à quel degré de tyrannie pouvaient se livrer, dans les provinces, des hommes puis-