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rivaux, suspects aux Burgundes, voisins des Goths, nous sommes exposés à la fureur de ceux qui nous attaquent et à la jalousie de ceux qui nous défendent. »

Sidoine nous présente les barbares sous trois aspects : d’abord en tant que barbares, puis dans leurs rapports avec la société gallo-romaine, et enfin dans leurs rapports personnels avec lui.

Sidoine est le premier qui ait peint les barbares, car Salvien tonnait sur le monde au nom des barbares et de Dieu, mais il ne décrivait pas. Sidoine, au contraire, décrit et décrit à l’excès. Voyez, par exemple, dans le panégyrique d’Anthemius, la peinture des populations scythiques : les traits caractéristiques de la race tartare sont tracés avec une extrême précision, et font connaître tout de suite que ces populations lui appartiennent. Il y a même des détails qui montrent une observation attentive et exacte. « S’ils sont à pied, on les croirait de médiocre stature ; s’ils sont à cheval ou assis, ils paraissent très grands. » Ailleurs, notre auteur exprime, avec beaucoup de vivacité, par une hyperbole qui ne manque pas de justesse, à quel point ces peuples sont inséparables de leur monture. « Les autres nations sont portées sur le dos des coursiers, celle-ci y habite. » Chacune des races germaniques qui envahirent la Gaule, est fortement caractérisée par Sidoine Apollinaire dans ces vers dont la prose si pittoresque de M. Thierry a fidèlement conservé et ravivé heureusement la couleur. Sidoine peint ces divers peuples tels qu’ils les a vus à la cour demi-sauvage d’Euric.

« Ici nous voyons le Saxon aux yeux bleus trembler, lui qui ne craint rien que les vagues de la pleine mer. Ici le vieux Sicambre, tondu après sa défaite, laisse croître de nouveau ses cheveux. Ici se promène l’Érule aux joues verdâtres, presque de la teinte de l’Océan, dont il habite les derniers golfes. Ici le Burgunde, haut de sept pieds, fléchit le genou et implore la paix. »

On est étonné que des traits si hardis et de si franches couleurs se rencontrent sous le pinceau maniéré de notre poète, et on ne se douterait pas que la pièce d’où ces vers sont tirés, adressée au rhéteur Lampridius qu’il appelle Tityre, commence par ceux-ci, dont le caractère est bien différent : « Pourquoi m’excites-tu à demander des chants à Cyrrha, aux Camènes hyantides, aux doctes ondes des Héliconides, que fit jaillir un coup de pied du quadrupède sémillant et ailé, etc. ? » Et il signe cette poésie, à laquelle son objet donne, pour ainsi dire, en dépit de son auteur, une certaine énergie : Mélibée.