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LES VICTIMES DE BOILEAU.

Comme s’éjoüissant de n’estre plus captive,
Saute, bouillonne, coule et ne sachant encor
Quel sablon enrichir de son nouveau trésor,
Ny quel chemin se faire en sa douteuse course,
Revient innocemment devers sa propre source,
Se rencontre, se fuit, .......
Et par les champs enfin, va, se joue et se pert.

Deux nuages se rencontrent dans les plaines de l’air, et l’on voit alors, dit le poète.

Deux puissans tourbillons, gros de mille naufrages,
Et fiers de mille pins sur la terre abattus,
L’un à l’autre opposer leurs tonnantes vertus.

Il peint également bien

L’incertain élément,
Lorsque tout blanc d’escume il vient, onde après onde,
Se rouler en bruyant sur l’arène inféconde.

Déjà le nombre et l’harmonie de Racine apparaissent dans cette diction qui se déploie en beaux replis :

Le soleil,....., allumant l’air paisible,
À force de clarté, se rendait invisible ;
De tremblantes vapeurs sur les plaines flottoient ;
L’eau sembloit estre en feu, les sablons éclatoient ;
Sur les myrthes fleuris les douces tourterelles,
Tenant leur bec ouvert, laissoient pendre leurs ailes.

Nous n’en finirions pas si nous voulions citer toutes les heureuses descriptions dues à Saint-Amant, celle, par exemple, d’un vaisseau rentrant dans le port :

Tel qu’un riche navire, après mainte fortune
Esprouvée en maint lieu sur le vaste Neptune,
Revient avecques pompe au havre souhaité,
Sous la douce lenteur des souffles de l’esté,
Qui, faisant ondoyer dans les airs pacifiques,
De tous ses hauts atours les graces magnifiques,
Enfle à demy la voile, et d’un tranquille effort
Presqu’insensiblement le redonne à son port.

Une hirondelle vient retrouver sa couvée :

On voit aux beaux jours la gentille hyrondelle
Vers son nid merveilleux voler à tire-d’aile,