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LES VICTIMES DE BOILEAU.

Sembloient sur un tuyau d’où naissoit leur trésor,
Présenter à mes yeux une couronne d’or,
Qui brillant au soleil sous un vent agréable
Noircissoit le gueret d’une ombre variable,
Et montroit en sa mûre et fertile beauté
Le plus riche ornement dont se pare l’esté.

Nous ne nous arrêtons pas à louer ces excellens vers, si pittoresques et si hardis. La princesse sort de son palais pour aller au bain, montée sur un char traîné par trois licornes :

Elle s’en vient noyer sa chaleur et sa peine
Dans l’humide plaisir d’une claire fontaine.

Ses nymphes l’environnent :

Cent doigts polis et blancs l’avoient déshabillée
Sous l’obscure espaisseur de la verte feuillée,
Où, bien loin de sa suite, un pavillon tendu
En rendoit le spectacle aux hommes défendu.

Ici Saint-Amant prodigue tous les trésors de sa palette :

À sa description je ne saurois atteindre :
Car l’innocente honte et la pudicité
Couvroient d’un voile saint sa belle nudité.
..............
Elle avance le pié douteux et retenu
Sur un sable mollet, insensible et menu.
Sa taille se desrobe, elle entre, elle se plonge
Elle se laisse aller, s’abandonne, s’allonge,
Nage, esbranle les flots, et les flots agitez
Pétillent d’allégresse autour de ses beautez.

Puis elle sort du bain, et le génie du poète s’envole. La princesse que l’on essuie

Fait boire aux draps les reliques du bain.

Une négresse est chargée des soins de sa toilette, et Saint-Amant s’écrie à ce propos :

Le bras d’encre est propice à des membres de lait !

Enfin les anges poussent jusqu’aux pieds de la vierge le berceau de Moïse qui est recueilli par elle ; une belle description de la nuit termine l’œuvre, et Saint-Amant couronne sa douzième et dernière partie par les vers suivans :