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ÉTAT MORAL DE L’AMÉRIQUE DU NORD.

mènes se manifestent le plus souvent. On les voit alors confesser publiquement leurs fautes et élever vers le ciel leurs prières entrecoupées de sanglots. Quelquefois même, ne pouvant soutenir l’impression qui s’empare de leur ame, elles tombent et se roulent par terre, se débattant dans les angoisses d’une cruelle agonie, pendant que le prédicateur murmure à leurs oreilles des paroles de paix et de consolation, et que tous les assistans remercient Dieu de ce qu’il a bien voulu manifester sa grace en elles. Ces effets se produisent assez fréquemment dans les offices qui se tiennent en plein air, quelquefois pendant plusieurs semaines. Qu’on se représente l’impression qui doit frapper de jeunes ames faciles à exalter, lorsque la nuit, après une journée passée dans les méditations et la prière, un prédicateur éloquent leur peint, sous les couleurs les plus sombres, les terribles jugemens de Dieu. Sous ces voûtes séculaires, formées par le feuillage épais des arbres dont les branches s’entrelacent et se mêlent, et qu’un rayon de la lune vient de temps en temps traverser ; à la lueur de ces feux allumés de distance en distance et qui jettent sur tout ce qu’ils éclairent un triste reflet ; au chant de ces cantiques, tantôt joyeux, tantôt lugubres, qui s’élèvent solennellement au milieu du silence de la nuit, la parole et la pensée prennent comme naturellement les teintes des objets qui sont là sous les yeux. Aussi voit-on parfois des femmes sortir tout épuisées de ces orgies religieuses, ou y laisser pour toujours leur raison.

Les associations pieuses sont peut-être le moyen qui entretient le plus efficacement le zèle en Amérique. L’église catholique, qui ne prend aucune part aux revivals et aux camp meetings dont je viens de parler, et dont la marche paisible, grave et solennelle à la fois, contraste singulièrement avec le développement brusque et tumultueux de la plupart des sectes protestantes, a fondé plusieurs institutions que la charité des fidèles entretient, et qui toutes sont remarquables par l’esprit de tolérance dans lequel elles ont été fondées. Ainsi le nombre des élèves protestans est toujours beaucoup plus considérable dans les maisons d’éducation catholiques que celui des élèves catholiques eux-mêmes, parce que la liberté de conscience y est mieux entendue et plus respectée qu’ailleurs, et que l’instruction y est ordinairement supérieure à celle des autres maisons. L’église catholique compte un archevêque et quatorze évêques aux États-Unis, trois cents cures et cent quarante-trois stations, treize séminaires, quatorze maisons d’éducation pour les jeunes gens, et trente-neuf pour les filles, toutes ouvertes aux enfans des différentes sectes, trente-sept institutions de bienfaisance dirigées par les sœurs de la charité, et vingt-trois cloîtres de femmes, qui s’occupent pour la plupart de l’éducation. Les sœurs de la charité sont partout où leurs secours sont nécessaires et où on leur permet de les donner. À Philadelphie, lorsqu’à l’époque du choléra les employés et les gardiens de l’hôpital avaient fui, on vit ces filles admirables, deux heures après avoir reçu la lettre qui les appelait, quitter leur couvent à Emmetsburg dans le Maryland, accourir là où on réclamait leur charité, rétablir l’ordre et la confiance dans l’hôpital, et mériter par leurs soins et leur dévouement les éloges