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ÉTAT MORAL DE L’AMÉRIQUE DU NORD.

précédente. Un seul fait peut expliquer cette différence. C’est qu’en 1835 les spéculations commerciales et l’amour du gain ont absorbé l’attention d’une partie considérable des citoyens. Des mouvemens importans dans l’état, surtout quand ils durent, influent défavorablement sur l’éducation ; mais la condition la plus défavorable pour elle, c’est lorsque chacun peut acquérir de la fortune par des spéculations qui n’exigent que peu d’efforts. »

Trois systèmes ont été tentés en Amérique pour l’entretien des écoles. Dans l’état de Connecticut, aucune taxe n’est imposée aux communes. Un fonds considérable, destiné aux écoles, suffit largement à leur entretien. Dans l’état de Massachussett, au contraire, elles sont à la charge des communes qui, dès qu’elles comptent cinquante familles, doivent élever une école où les enfans puissent apprendre à lire et à écrire, et une école où ils puissent apprendre le latin, dès qu’elles comptent cent familles. L’état de New-York a pris un moyen terme en combinant dans une sage harmonie les deux systèmes. Il a établi un fonds pour les écoles ; mais chaque commune doit s’imposer une somme égale à celle que lui donne l’état, et qui est toujours proportionnée au nombre d’élèves qui y reçoivent l’instruction. Or, en 1836, sur 536,882 enfans de quatre à seize ans, que comptait cet état, 524,188 allaient aux écoles. En 1835, 1,400,000 dollars ont été employés à payer les maîtres, ce qui fait à peu près 38 et demi pour chaque élève. Dans cette somme, 100,000 dollars ont été pris sur le fonds destiné aux élèves, 500,000 ont été fournis par les habitans des communes, et 800,000 par les parens ou les tuteurs des enfans. La paie moyenne des maîtres d’école a été de 51 dollars pour l’année. Dans l’état de Massachussett où l’entretien des écoles est tout entier à la charge des localités, 141,837 enfans de quatre à seize ans, sur 177,053, fréquentaient, en 1837, deux mille neuf cent dix-huit écoles, partagées entre les trois cent cinq communes de l’état. On peut juger de l’esprit qui règne dans les séminaires protestans de la Nouvelle-Angleterre par le calcul suivant d’un journal religieux de New-York, le New-York Religions Observer. Sur 1,753 jeunes gens qu’on formait à la prédication dans six des séminaires les plus importans de l’état, ce journal en comptait 327 qui avaient eu des pères religieux, 428 qui avaient eu des mères pieuses, 317 qui donnaient les plus belles espérances par leur piété, 451 qui n’étaient chrétiens que de nom, et 50 sceptiques.

Deux choses principalement manquent en Amérique, et leur absence est un obstacle nécessaire au développement de l’éducation. Les États-Unis ont un assez grand nombre d’écoles normales ; mais on n’y a point assez cultivé cette branche si importante de l’enseignement. Quant aux établissemens d’instruction supérieure, ils n’ont rien qui puisse être comparé, je ne dis pas aux universités d’Allemagne dont la perfection n’a pu encore être atteinte nulle part ailleurs, mais à nos académies, pourtant si imparfaites et qui laissent tant à désirer. Il est vrai que l’absence d’un enseignement supérieur est moins sensible dans un état où la passion de l’égalité est poussée à un tel point, qu’on n’y voit qu’avec une sorte de déplaisir et de jalousie les citoyens plus riches donner à leurs enfans une instruction plus élevée et plus étendue. Là, on a une telle frayeur de